New-Lutèce par Alix Verne - Livre - Page 6
J’affichais un swing velouteux. Miles Davis. Une lubie, puisée
dans notre banque de sons. Cette ligne de jazz apprêtait ma
démarche, la rendant élégante, hautaine. Je ne cessais d’épier
cette faune trop gâtée, parfois allégée de ce gras peu fertile
d’une liposuccion. Sablé, vanille, un fondant de banane, carré
d’agneau au thym, un registre prohibé. Tendance, rompue par
le toucher d’un tweed, Koris, l’insolence, poivre noir, d’une
grillade. Et sous la complicité gustative de leurs narines, bien...
Un homme, à droite, évaluait d’un signe le chassé délicat des
serveurs. Sur ma gauche, un quinquagénaire, digne, obèse,
moucheté d’un naissant mélanome, contournait notre travée. Je
régulais mes circuits, ces branchies éphémères. Pour déglutir,
mes pores cristoliens. Puis, ce larynx. L’art de la duplicité. Père
goûtait cette faculté. Conter, avec mes sens ? Une sarabande
d’accueillants. Dans son box, une traductrice artificielle, sans
panache, énumérait sur ma table « rouget au curry à la noix de
coco, une audace ». Le Méarna. Je scrutais les jardins aériens.
Qu’ils terminent de brumiser cette esplanade. La ciselure d’un
monocle brisé scintillait déjà au sol, sous un réverbère ionisant.
Seriez-vous prêts à découvrir les bruits qui me calent, lecteurs ?
Pour chaque existence entrecroisée, ce dû, allons, ma Confrérie,
versez plus encore les sonorités. Tout d’abord, divertissons, ces
gambadeurs inchiffrables, malgré votre progrès, Héritière... Eh,
un geyser inexorable, cela sonnerait déjà dans vos souterrains ?
Pour eux, je clariferai, mon créateur archivait, notre but initial.
Flox, deux sautillants, indéfinis, parcourent notre trame, aussi,
cherche-les. Mes autres, céans, rassemblez la masse de tous ces
bruits, de ces clameurs. Chacune de leus résonances doit me
revigorer. Pour de plus grands pouvoirs. Car tel est mon destin.