Perspectives littéraires n.3 - Journal - Page 11
didactique, symbolique, philosophique&- de la nature. Au fond, je voulais qu9on entre dans la poésie d9H.
Dorion en ayant déjà évacué le grand malentendu : un recueil écologique.
Les élèves ont été agréablement surpris par l9accessibilité du lexique (même si je ne parierais pas que tous
aient en tête la définition du « houppier »). Puis, il y a eu la phase où ils ont été surpris par la finesse du
travail sur la structure, sur la musicalité et sur l9élaboration du sens que le recueil engage. Cette minutie
les a étonnés.
La troisième phase a été pour eux de se dire que souvent les poèmes ont un mouvement d9ensemble
similaire : la familiarité qu9ils ont acquise, à la fois rassurante - et dangereuse parce que le recueil est plus
divers, irrégulier et composite qu9il n9y parait -, leur a procuré la sensation de pouvoir comprendre la poète.
J9ai donc eu des retours positifs des élèves qui ont aimé cette élucidation patiente que le travail sur le
recueil, le titre, sa structure, mais aussi que chaque poème, entraînent.
Ce qui a finalement entraîné l9adhésion de la plupart des élèves, c9est cette capacité de Dorion à exposer
les fêlures et les failles, pour bâtir un discours de résilience, et en comptant beaucoup sur les mots pour
le dire.
Perspectives littéraires : Que pensent vos élèves de ce recueil à la fin de cette séquence ? Quelles questions
vous posent-ils ?
Lydia Blanc : Ce qui en a réconforté certains, c9est non seulement que le recueil ne soit pas si facile, mais
dans la foulée, tout autant le fait qu9ils soient parvenus à surmonter cette difficulté. D9autres élèves ont
souhaité, comme tout professeur de français s9y attend, me montrer des poèmes ou textes qu9ils écrivent
(je ne les ai pas encore vus) et j9imagine qu9Hélène Dorion, soucieuse de démontrer que la poésie est
partout, en nous et pour nous surtout, ne veut pas provoquer autre chose que cette acceptation du naturel
de la poésie dans une vie humaine, la seconde appelant la première presque comme une fatale réponse.
J9ai recueilli deux séries de questions : d9une part celle formelle, que connaissent tous les professeurs de
français chaque année (« comment sait-on si l9auteur a bien voulu dire ça ? » et sa variante : « Elle a pensé
à tout ça, en écrivant ? ») ; d9autre part une question très frontale, en début de séquence, sur l9utilité de
dire, de partager ses émotions (À quoi ça sert de raconter ça ?). C9est très émouvant quand, avec des
adolescents, un âge volontiers mutique et fuyant, très pudique sous des dehors expansifs, ils en viennent
à accepter ce que les mots peuvent pour nous. En fin de séquence, un élève, un jeune touchant, sur le fil
du rasoir, s9est excusé, gêné de ne pas savoir écrire comme H. Dorion
pour dire où il en était, mais il voulait m9assurer (ce que ses regards
intenses pendant le cours m9avaient déjà confirmé) qu9il la comprenait.
Quel que soit le niveau de ses devoirs écrits, je pense que, oui, mieux
qu9un autre, à ce moment-là, il la comprenait.
Une autre m9a confié qu9elle lisait chaque poème comme une
aventure avec un début, un milieu et une fin, comme si chaque fois cela
racontait une petite histoire. Et de fait, chaque poème est le condensé
d9une étape de vie, que l9on pourrait scénariser, ce que dans la vraie vie,
trop occupés à vivre et à survivre, on ne fait jamais ; enfin si, les artistes
prennent le temps de le faire, nous raconter nos histoires.
Perspectives littéraires : Avez-vous eu des difficultés à surmonter avec
vos classes dans l9étude de ce recueil ?
Lydia Blanc : Pour ce recueil, j9en avais identifié a priori au moins deux.
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