Perspectives littéraires n.3 - Journal - Page 32
Mystique de la nature
Une autre tradition de la nature en poésie
existe, celle du jeune Victor Hugo, François
Cheng, ou Guy Goffette lui confèrent une
responsabilité herméneutique et initiatique : ils
en font une source utile, propre à révéler.
Les petites têtes des nids.
Le lien inextricable entre la forêt et la femme se
lit dans le double souhait du poète : certes faire
du bois la première réalité énoncée, mais faire
de la femme le référent de l9analogie : si dans
Victor Hugo, dans le recueil de 1865 (mais le poème, la forêt précède, dans les faits, la
dont l9essentiel des poèmes remonte à 1859), femme est première.
en plein exil, après bien des déconvenues
Les bois occupent pourtant une place de choix
politiques et des épreuves personnelles, revient
dans cette suite de cinq quatrains : les « bois »
à la source de son lyrisme de jeunesse : le lien
qui ouvrent et ferment la chanson (présents à
pacifique et vivifiant entre nature et amour y
la première et dernière strophe) sont détaillés
apparaît comme fondamental.
par leurs composantes qui déclinent le tableau
bucolique, le motif forestier étant complété par
Ces lieux sont purs ; tu les complètes.
« lieux », « bois », « sentiers », violettes »,
Ce bois, loin des sentiers battus,
« nimbes », « vallon », jusqu9à l9apothéose
Semble avoir fait des violettes,
donnant un tour sacré à l9évocation : « un
Eden ».
Jeanne, avec toutes tes vertus.
Les périphrases désignant « les bois », qui sont
successivement « ces lieux », « ces beaux lieux »,
L9aurore ressemble à ton âge ;
« tout ce vallon », « tout ce qui & » suivent une
logique amplificatoire ainsi qu9en témoigne
Jeanne, il existe sous les cieux
l9indéfini hyperbolique présent en attaque des
On ne sait quel doux voisinage
strophes : « tout ce vallon », « tout ce qui ». En
outre, les « bois » tissent un réseau sonore
Des bons cTurs avec les beaux lieux.
constant qui donne son unité mélodique au
poème, par l9allitération en [b] : « bois »,
« battus », « bons », « beaux », « bonheur »,
Tout ce vallon est une fête
« bénis ».
Qui t9offre son humble bonheur ;
C9est un nimbe autour de ta tête ;
C9est un éden en ton honneur.
Tout ce qui t9approche désire
Se faire regarder par toi,
Sachant que ta chanson, ton rire,
Et ton front, sont de bonne foi.
Ô Jeanne, ta douceur est telle
Qu9en errant dans ces bois bénis,
Elle fait dresser devant elle
31