Perspectives littéraires n.3 - Journal - Page 37
[…] AU-DELÀ MÊME DES LIMITES DU TERRITOIRE HABITÉ
OÙ LE CHERCHENT LES CHEVALIERS DE LA COUR
D’ARTHUR. […] C’EST LA FORÊT QUI SERA LE LIEU DE SA
FOLIE. [..] EN ANGLETERRE, DU MOINS EN BRETAGNE, ELLE
EST LE LIEU OÙ SE BRISENT, EN QUELQUE SORTE, LES
MAILLES DE LA HIÉRARCHIE FÉODALE.
où la meilleure place revient à ces intermédiaire
entre Dieu et les hommes que sont les clercs).
De la forêt transgressive, le médiéviste explique
comment, par qui et à quelles fins est instauré
nouvel imaginaire moderne, comme on
voit dans l9article qui, dans le Quarto Gallimard,
succède logiquement à celui sur le merveilleux
de Brocéliande : « Une métaphore urbaine de
Guillaume d9Auvergne ». A l9opposition globale
cité-forêt, le théologien Guillaume d9Auvergne
ajoute, selon Le Goff, l9opposition entre les
pierres brutes (les carrières naturelles) et les
pierres cimentées avec lesquelles on bâtit les
villes alors transformées par l9architecture
gothique.
LES CITOYENS DE CETTE CITE, CE SONT LES VRAIS
HOMMES FACE AUX AUTRES HUMAINS QUI NE
SONT PAS A PROPREMENT PARLER DES HOMMES
MAIS
DES
A L9OPPOSITION
« CITE/FORET
S9AJOUTE
ANIMAUX.
FONDAMENTALE
L9AUTRE
SYSTEME
ANTAGONISME
DE
HOMME/ANIMAL.
OBSESSIONNEL
VALEURS
DU
MEDIEVAL
Les historiens, archéologues et médiévistes,
cassent d9emblée l9idée d9un surnaturel inhérent
à la forêt laquelle est, comme tous les espaces,
investi par un imaginaire symbolique lequel est
récupéré ou orienté en fonction des nécessités
et intérêts sociaux, économiques et culturels
d9une époque.
En revanche, on ne saurait dénier aux auteurs
canadiens le lien très particulier qu9ils
entretiennent à la forêt. Le fait est qu9au
Québec, un ministère dédié à la forêt56 gère les
ressources, l9aménagement du territoire et
envisage
l9adaptation
au
changement
climatique des forêts qui recouvrent plus de la
moitié du territoire de la province57. Dès lors, il
semble difficile aux poètes canadiens et en
particulier québécois de négliger la forêt. La
forêt constitue une thématique récurrente des
poètes, jusqu9aux contemporains. Le québécois
Jean Désy (professeur à Laval) écrit dès les
premières pages de ses Impressions
nordiques58:
:
Je délaisse tous mes trésors,
doux talismans contre l9exil.
55
Je quitte mon fleuve, la mer,
les
arbres
centenaires,
j9abandonne mes lacs, mes
feux de bouleau, mes
érablières.
LA FORET MEDIEVALE- ESPACE
MARGINAL ET SAUVAGE
Le poète national Gaston Miron écrit dans
De l9analyse de Le Goff, on déduit que l9image
« Compagnon des Amériques »59 :
inquiétante et mystérieuse de la forêt
médiévale, en tant qu9espace marginal et
Compagnon des Amériques
sauvage, a été sciemment entretenue et prend
Québec ma terre amère ma
place au sein de tout un projet de civilisation
terre amande
nouvelle portée par des clercs. Dans un
système de valeurs assumé, la forêt est ainsi
ma patrie d9haleine dans la
moins une entité autonome qu9un des pans du
touffe des vents
vaste discours moral visant à imposer un nouvel
ordre social et politique : la « civitas » urbaine
55
Ibidem : p. 688.
56
https://www.quebec.ca/gouvernement/ministere/ressour
ces-naturelles-forets
57
A titre de comparaison, contre un tiers pour le sol
français, la France se situant dans la moyenne européenne.
58
Ed. Le Loup de Gouttière (1992).
59
L’homme rapaillé (1998).
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