Perspectives littéraires n.3 - Journal - Page 44
L’intime
priori
compatible
avec
les
espaces
gigantesques de la forêt canadienne. Pourtant,
rien de plus intime au sens d9évidemment
personnel pour une québécoise que la nature
forestière, pourra -t-on objectée puisque cette
dernière occupe plus de 50% de la province de
sorte que l9on ne peut nier l9identité très forte
Pas plus, pas moins que les deux autres
entre l9artiste et son milieu d9origine et lieu de
termes de notre équation, l9intime ouvre à un
vie, celui-là même qui est mis en avant dès la
questionnement large.
page d9accueil de son site ou qui scelle, sur sa
page Instagram, la cohérence entre la femme et
Si l9on se réfère à l9histoire étymologique du
l9Tuvre puisque l9écrivaine s9y laisse
mot, intimus, dès son préverbe, renvoie au plus
photographier et appose au cliché la légende :
profond d9une intériorité : rien qui ne semble a
« chez moi » :
L’intime, ce privé
transmissible
Dira-t-on que l9intime se réduit à la subjectivité ? Peut-on être dans l9intime sans être strictement
personnel et confidentiel ? Quelle chance alors
pour l9universalité ? Si l9intime n9était que le
domaine
privé,
tout
lecteur
serait
instantanément voyeur. Nous savons que même
chez les pratiquants assidus du discours
autobiographique
ou
autofictionnel,
et
particulièrement au 20ème siècle libéré des
carcans moralisateurs par le Romantisme puis
la révolution psychanalytique qui donne une
visée ainsi qu9une justification au discours de
soi, le propos ne se laisse pas confondre avec
une expression auto-complaisante ni avec un
épanchement gratuit : Philippe Forest ou Annie
Ernaux qui ont beaucoup travaillé sur ce récit
de soi ou, pourrait-on dire, via soi-même, que
la voix de l9intime et le matériau personnel
n9excluaient pas le travail d9élucidation pour le
lecteur, qui voit son rôle habituellement plus
passif renégocié : la parole intime ou de la
révélation de l9intime font du lecteur un
enquêteur ou un collaborateur ou un miroir
réfléchissant, celui auquel Victor Hugo pense
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