Perspectives littéraires n.3 - Journal - Page 49
ou à la galerie 10/40 de Montréal, par
exemple, le tableau « Ecorces », en écho direct
à la première section de Mes forêts par Joanne
Dorion (via la Galerie Le 1040) ci-contre.
La démarche bien que relativement originale encore, n9est pas non plus tout à fait nouvelle, quand
on se remémore les nombreuses coopérations entre les écrivains et les artistes : d9abord
souhaitée, source d9inspiration et opération mentale, fondatrice comme pour Verlaine (qui écrit
avec les sens visuel et sonore), lui qui a proclamé « de la musique avant toute chose »77 et a
rédigé des « ariettes » tout comme des « romances ».78
La collaboration est encore plus active et
systématique avec le grand tournant avantgardiste, dès Apollinaire ou
Cendrars, dont on connaît
les partenariats respectifs
avec Picasso pour la
couverture d9Alcools en
1913 et Raoul Dufy pour le
Bestiaire d9Orphée, et, pour
le poète Bourlingueur, avec
Sonia Delaunay pour le
livre-tableau de La Prose
du Transsibérien (en 1913 également)79. Les
Surréalistes emboiteront le pas, pour produire les
travaux conjoints tels que le recueil Les mains
libres (Paul Eluard avec Man Ray) ou René Char qui,
en 1959 va solliciter son ami Georges Braque pour
des gouaches devant illustrer Lettera amorosa
puis, Zao Wou Ki, cette fois pour des enluminures devant illustrer Effilage
du toile de jute (1980) finalement publiées par Gallimard en 2011 (coll.
Poésie/Gallimard).
Quant à la musique, que l9on songe à Paul-Jean Toulet avec Debussy, à
Colette et Ravel ou Gide et la musique, le lien est fécond et plus ancien
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Paul Verlaine, « Art poétique » (1874, publication 1882 puis dans Jadis et naguère, 1885).
Paul Verlaine, Romances sans paroles (1874).
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Pour en savoir plus sur leur collaboration, voir Christine Le Quellec Cottier (dir.), Blaise Cendrars et Sonia Delaunay. La
Prose du Transsibérien, Montricher, Fondation Michalski, 2017.
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