Perspectives littéraires n.3 - Journal - Page 59
« l9humus ». Il semble qu9un mouvement vertical
Hélène Dorion propose depuis le début des descendant (dimension catabatique ?) nous
années 80 une poésie (parfois du roman fasse aller du feuillage au sol.
également ainsi que des livrets d9opéra ou des En questionnant les premières impressions de
collaborations avec des artistes peintres et lectures, on relève que, selon le découpage du
photographes) à la croisée d9un lyrisme texte (assemblage de cinq courts poèmes), la
traditionnel (Sylvia Plath, Emily Dickinson suite de cinq fragments ne présente aucune
comme références) et de l9exploration d9un régularité formelle : on commence par un
paysage (dans la lignée d9un Lorand Gaspar ou nonnain, on finit par un septain, on a aussi un
d9un Ph Jaccottet). Son écriture, volontiers poème de 13 vers, qui ne correspond à aucune
qualifiée de « transparente » la placerait parmi strophe répertoriée. Le texte est versifié mais
ces auteurs (Armand Robin, Henri Thomas&) la poésie ne systématise pas l9emploi de la
que l9on peut soupçonner d9être faussement majuscule liminaire, pour faciliter la linéarité de
simples.
lecture d9un vers à l9autre. On ne dénombre pas
Le « recueil », même si l9autrice n9aime pas ce de rimes ; on admet qu9il y a des échos
terme (donnant l9impression d9un amas informe sonores ; on en déduit que l9écrivaine se
et disparate que le livre, composé en plein conforme à la volonté de faire naturel et non
confinement et Tuvrant comme un ré-ancrage pas artificiel ou sophistiqué. Le lexique ne
en soi en pleine pandémie qui nous coupa les présente de fait aucune difficulté.
Analyse linéaire
uns des autres) est visiblement composé, animé
d9un principe de récurrence (scandé par « mes
forêts »), balisé par quatre épigraphes
précédant quatre sections, comme les quatre
éléments, les quatre points cardinaux ou les
quatre saisons.
On repère la dynamique d9ensemble
suivante pour ce lot de cinq poèmes : La suite,
de l9espace global (l9île) à la branche à la feuille
à l9écorce, semble décrire un double
mouvement : zoom du plus large au plus
détaillé, et du plus superficiel au plus
Quant à sa situation dans le livre , « L9écorce épidermique (l9écorce étant directement en
incertaine » se présente en tant que première contact avec l9arbre et mobilisant le sens du
des quatre sections ainsi que la plus fournie (25 toucher).
poèmes) (à titre de comparaison, Les cahiers de
Douai en comportent 22) et la plus morcelée
aussi, en ce que les poèmes, courts, se
succèdent en se signalant chaque fois par un
titre.
L9unité de « L9écorce incertaine » se réalise sur
du concret : « l9arbre », « les feuilles »,
« l9humus » tout semble décomposer la forêt
avec l9impression d9un démantèlement alors
même que la suite de poèmes permet aussi
d9en voir la diversité et la complexité. D9emblée
le lecteur est amené à se poser la question de
l9interprétation de ce qu9il a sous les yeux : les
composantes de la forêt et de l9arbre sont-elles
autant de signes d9émiettement ou au contraire,
signes d9une approche détaillée attentive à une
réalité sylvestre dont on ne voudrait rien
manquer ? A noter enfin que juste avant, on
avait « le tronc », et que juste après, arrivera
Le projet de lecture qui reposerait sur la mise à
jour d9une description locative ou d9une
attention portée au végétal pour lui-même,
dans une visée botaniste ne tient pas, ne seraitce que parce qu9on n9a pas d9indice spatio-
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