Perspectives littéraires n.3 - Journal - Page 60
temporel (de quelle île parle-t-on ? Quelle
hémisphère ? A quelle saison ?) ni aucune
information sur l9arbre (espèce ? Santé ? Taille,
physionomie, composantes précises ?) : aucun
ancrage, aucune détermination, preuve qu9on
n9est ici pas dans une visée réaliste ni même
particulariste. Les termes sont en effet désignés
par des ensembles génériques puisque tout au
long du poème on retrouve l9emploi d9articles
définis : « l9île », « l9arbre », « l9horizon », « le
mur ». On y comprend la volonté d9un discours
universel et s9y affirme, en début de recueil
(c9est-à-dire à un moment où son esthétique à
venir se dessine pour nous lecteurs), une
écriture pudique, métaphorique, marque d9un
parti-pris d9écriture fort tel que la nature
extérieure traduit la nature intérieure de la
poète qui ne se dévoile pas immédiatement
pour elle-même.
et le partage d9une expérience humaine
commune.
Le récit se gâte-t-il ou s9améliore-t-il ? Certes
l9on peut relever des marques de négativité : le
lexique de la rupture et de la violence apparait
dès le début, et durablement. Pourtant, au
même moment, des réponses poétiques,
parades et antidotes à la brutalité sont mises
en place (par la voie d9images : métaphores,
comparaisons, musicalité du poème) et ce, dès
le début aussi. Le meilleur comme le pire sont
présents depuis le début : moins une évolution
linéairement spectaculaire qu9un apprentissage
de l9acceptation et une logique de résilience.
Un élève a proposé deux mouvements pour
baliser cette suite de cinq textes :
→ Un PREMIER MOUVEMENT qui comprend les
trois premiers poèmes « L9ile », « la
Quelles hypothèses de lecture formuler ? A
branche », « les feuilles » qui décrit un
l9inverse, lesquelles écarter définitivement ? Si
mouvement de zoom et dont l9enjeu est la
l9on peut se laisser avoir le ton distant et la
réappropriation de soi.
parole apparemment objective au début,
puisque la description est à la troisième → Puis SECOND MOUVEMENT constitué des
deux derniers poèmes, « la déchirure »,
personne (« la point de l9arbre », « l9île », « leur
« l9écorce », comme une ouverture à
vie ») on note vite le surgissement du « nous »
e
e
l9universel : dans ces derniers poèmes, une
au 2 poème puis l9émergence de « soi » au 3
e
fois le mal admis est le début du remède.
puis la formulation du « je » au 4 et enfin le
L9acceptation de soi et de la condition
retour au « nous » lors du dernier poème : un
humaine, forcément fragile, sont les
mouvement initiatique de réaffirmation de soi
préalables des forces retrouvées.
se fait jour, mais où le -je- serait moins une fin
en soi qu9 une étape vers le discours universel
Le premier mouvement sera d9abord
consacré à l9installation d9un climat
incertain voire menaçant.
Le premier poème qui compose ce
mouvement, « l9île », renvoie à un
espace large, marginal et non
caractérisé, et se pose comme une
interrogative (inversion sujet/verbe
« serait-elle ») ; il développe toute
une hypothèse à l9attaque du poème,
avec la subordonnée de condition
(« si la pointe de l9arbre vacille& »)
bref divers moyens grammaticaux
instaurent un climat d9incertitude
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