Perspectives littéraires n.3 - Journal - Page 64
Texte 2 : extrait de « l’onde du chaos »
Analyse linéaire
Je n9ai rien déposé
au pied du chêne rien
à l9ombre du saule
je ne me suis adressée ni aux faibles
ni aux puissants
je n9ai pas vu le veilleur
à l9entrée de la mer
pas vu le jardinier cueillir le crocus
d9un printemps
pas trouvé
le miel et la soie
H. Dorion est une poète contemporaine
québécoise d9abord étudiante en philosophie,
puis enseignante puis critique et éditrice et,
depuis une quarantaine d9années, une poète et
romancière reconnue et récompensée, qui
préfère dire qu9elle est « écrivaine » et écrit des
« livres » plus que des romans ou des recueils.
Elle lie les éléments (eau, vent, terre) à
l9expression de son rapport au monde sensoriel
et sensible. Elle compte aussi sur les effets
d9écho & les partages (elle adresse par exemple
une lettre saisonnière par courriel à ses
followers) avec ses lecteurs. Pourtant, si elle ne
cache rien, collabore avec des artistes,
communique dans les médias, et répond aux
itw, on ne sait que peu de chose de son intimité.
je me suis assise
En milieu de recueil, après la longue, première
section fragmentée (« l9écorce incertaine »),
après la brève section « Une chute de galets »,
elle se lance, avec l9onde du chaos » dans une
entreprise plus personnelle, avec une première
personne plus franche et une esthétique de la
fêlure, à ce stade du recueil, clairement
assumée.
au milieu de ces vastes alliés
Premières impressions de lecture
sans voix
Le texte, sans titre, se compose de six strophes
versifiées mais non rimées, sans régularité dans
la disposition.
pas vu le ciel dans l9étang
quelque chose de la solitude
rien
qui laisse paraître la déchirure
le temps continue
de s9infiltrer dans la terre
gorge les rochers
le pas des animaux
s9accorde à la lumière
par la lenteur du monde
je me laisse étreindre
je n9attends rien
de ce qui ne tremble pas
Immédiatement, le lecteur est frappé par deux
choses : l9anaphore du « je » (quatre fois en tête
de strophe mais jusqu9à six fois en tête de vers);
Les négations syntaxiques récurrentes
Presque une contradiction entre le discours de
soi à la première personne qui semble verser
dans la confession et le discours qui se refuse,
qui se bride, en maintenant l9emploi si insistant
de la forme négative.
A ce stade du recueil, déjà bien entamé, avec
ces deux partis pris d9écriture mal assortis, que
peut nous dire H. Dorion d9elle-même et de son
rapport à la vie et au monde ?
Mouvements du texte
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