Perspectives littéraires n.3 - Journal - Page 73
fébrilement mélancoliques et pleins d9espoir
pour l9avenir.
Analyse
Introduction
Olivier BARBARANT cumule déjà au moins
quatre vies : intellectuel expert et promoteur
des écritures des autres (Aragon dont il est l9un
des spécialistes), poète (ses Odes dérisoires ou
récemment ses Séculaires chez Gallimard
témoignent d9un regard de sa conscience
puissante d9être fragile et assoiffé de sa propre
vie humaine) mais aussi haut fonctionnaire
(inspecteur général des lettres) et esprit engagé
qui assume son positionnement politique dans
l9existence. C9est en somme un homme de
textes et de liens, ce qui explique pour partie
son plaisir à accompagner l9entrée de Mes
forêts dans les textes de baccalauréat à
compter de la session 2023. Ce qu9il écrit à
propos du recueil de la poète québécoise, à
savoir que la nature n9est « en rien bucolique »
mais plutôt à considérer comme le terrain de la
rencontre, (des gouffres) au sommet, entre
l9extériorité et l9intériorité, le monde et l9intime,
l9altérité et soi, trouve un parfait écho dans les
Séculaires, recueil de poèmes versifiés ou en
prose, universellement autobiographiques,
87
Le poème « Pena tiranna » veut faire réentendre
quelques inflexions pathétiques de cet opéra baroque qui
comme souvent chez Haendel, célèbre les sortilèges et les
miracles de l’amour, et à l’échelle d’une journée ou d’une
vie vécue, dans des tunnels de temps étouffants, les cris
salutaires.
Situation
Dans ce recueil intitulé Séculaires de vingtquatre (c9est dire combien le temps en est
l9enjeu, tout comme dans Mes forêts) poèmes,
l9on trouve en quatrième position, le poème en
prose « Clé de chair ». Placé entre l9hommage
rendu au jeune contre-alto J. Orlinksi aussi beau
qu9inspiré de Haendel87 et « Amour »88, notre
poème « la clé de chair » annonce dès le titre la
bascule entre l9art musical et l9appréhension
physique de la vie.
Le titre « clé de chair » suggère d9une part que
la chair, la relation, l9amour, le contact des êtres
soit une énigme dont il faudrait avoir la clef
c9est-à-dire le biais d9accès (comme pour la clef
des songes ou la clef des champs) pour
surmonter le verrouillage et l9aspect cryptique
jusqu9à envisager une libération, mais aussi,
puisque le poème se trouve entouré de
références musicologiques, que la chair, ce qui
n9est donc pas l9âme, la partie la plus périssable
et triviale, nécessitent pour espérer s9accorder,
de se voir fixer une tessiture, une
hauteur, ce qui est le rôle d9une clef en
solfège : la clé, en musique, permet de
distinguer les notes les unes par
rapport aux autres, de les nommer
puis d9en déterminer la hauteur de jeu
(grave, aigu etc.). L9étude du solfège
montre que les clés (dont on connait
trois familles, sol, ut et fa) répondent à
une volonté de représenter sur les
portées (pour lire les partitions et
chanter ou exécuter les notes) toutes
les notes et surtout toute l9étendue
possible des notes d9instruments très
divers entre eux, aux possibilités de
hauteur et de tessiture diverses. Un
titre comme « la clé de chair » montre
88
Un poème qui raconte la déambulation du poète et de
celle qu’il accompagne pour méditer joliment sur les
ravages du temps et leur antidote, c’est-à-dire l’amour
protecteur.
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