Perspectives littéraires n.3 - Journal - Page 76
monde, comme l9enfant dans sa première cour, entend célébrer l9échange de l9humain avec la
avec une alternance de tendresse maternante nature qui rend heureux et enthousiaste comme
et de blessures vives.
on le mesure par l9énumération en forme de
gradation (« un paysage, une fleur, une rue
La répétition de « vie », ajoutée au participe
quand le jour s9y engouffre avec le vent de
« vécue » tirée de l9expression proustienne, déjà
l9aube, un débris de lumière à l9arête d9un
annoncée à l9oreille par la première syllabe de
toit& ») et où l9humain peut se permettre de
« vigilance » et qui se donnera un écho dans la
n9être plus que bénéficiaire et objet, renonçant
première syllabe « vibrante » nous fait saisir la
à la posture habituelle du sujet triomphant
persistance d9une vie insistante et subtile, qui
(« m9apprit », « m9enseigner »). D9une certaine
demeure l9enjeu lancinant de notre passage sur
façon, la nature et le goût de la nature
terre.
relocalisent le sujet (jusqu9à lui faire endosser
A partir de la ligne 4, le texte affiche sa le rôle d9objet grammatical) à sa juste, humble
proximité avec la philosophie et l9imagerie place.
d9Hélène Dorion, par le choix de la métaphore
Mais il ne faut pas se tromper, le but n9est pas
filée de la forêt, avec « la belle forêt d9arbres
de substituer à d9ancestrales dominations
humains » soutenue ensuite par « les
(l9homme sur la nature, et soi sur les autres) une
branches » puis « les racines ». Au fil des quatre
autre domination (la nature sur soi, les autres
termes, le poète nous fait passer de
sur moi) ; c9est plus un pacte de rééquilibrage
l9écosystème global en forme de nom collectif
qui s9amorce, le poète consacrant le régime
(« la forêt ») en sujets distincts (« les arbres »)
verbal commun pour l9humain et l9élément
puis à la micro-échelle aux « branches »
naturel, à savoir le verbe pronominal, verbejusqu9aux « racines » par un mouvement
miroir par excellence : de même que le poète
ascendant, pour se mettre à hauteur d9homme
« [s]e blottit et [s9] écorche », le vent
et donner à voir combien ce travail de réflexion
« s9engouffre ».
s9opère en profondeur (de haut en bas, de
l9informe à l9unitaire au fondamental). La Deuxième mouvement : l9éthique de la
métaphore acquiert quelque chose du relation
militantisme, parce qu9elle s9effectue in
praesentia (« forêt d9arbres humains ») et Deuxième paragraphe : 1.11-15
qu9elle s9emploie à mettre
sous les yeux cette série
d9images convoquées par les
déictiques démonstratifs (« ce
que m9apprit », « ce fut ma vie
de& », « en ce qu9elle& », ce
qu9ils ne cessent de & » et
« c9est une leçon de& »).
Olivier BARBARANT attire
littéralement notre attention
sur un monde sylvestre et
humain que nous avons le
devoir de considérer et que
grammaticalement nous sommes poussés à Les paragraphes suivant vont confirmer cette
connivence dialectique et relationnelle (« se
observer.
relier », « s9accomplir », « se réaliser »).
La fin de cette longue phrase met également en
application le fond du propos : à la suprématie Le deuxième paragraphe met en relief, de façon
habituelle du je autobiographique, le poète ici criante, le contraste entre la condition humaine
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