Perspectives littéraires n.3 - Journal - Page 85
Parcours de lecture n°1 : La
forêt comme lieu des possibles
Lieu-refuge, lieu regénérant
grammaticale on ne peut plus simple (sujetverbe-attribut), au présent tout à la fois
d9énonciation, de description et de vérité
générale : « Mes forêts sont de longues traînées
de temps elles sont des aiguilles qui percent la
terre [&] mes forêts sont des greniers peuplés
de fantômes elles sont les mâts de voyages
immobiles [&] mes forêts sont mes espoirs
debout [&] mes forêts / sont des nuits très
hautes ». Dans le poème liminaire, la tournure
« Mes forêts » suivies d9une définition par le
verbe d9état survient (sans compter les ellipses
du verbe « être ») à six reprises. Même chose
dans le poème de clôture : « mes forêts sont de
longues tiges d9histoire / elles sont des
aiguilles [&] elles sont des épines [&] elles
sont des lignes »
Même si les forêts restent très peu
caractérisées (pas de mention d9espèces
végétales spécifiques, pas d9implantation
géographique précise : rien n9oblige à ce que
cette forêts soit canadienne, aucun prétention à
quelque réalisme photographique que ce soit
ici), elles ne disparaissent jamais de la vue de
la locutrice et donc du lecteur, ne serait-ce que
du fait du leitmotiv « mes forêts » à cinq
reprises dans le recueil sous la forme de titre,
et sous la forme de mentions du syntagme
nominal, à trente-et-une reprises. On peut se
répétition structurante dans le recueil. « Mes
forêts » deviennent le lieu de rendez-vous fixe Le recueil consacre, dès le titre, la forêt comme
du poème, qui ouvre et ferme le recueil mais lieu d9affirmation de soi et de définition de soi :
aussi, forme un décor jamais effacé.
« Mes forêts » par le possessif renvoyant à la
première personne. L9humain semble le
Les forêts se présentent comme un schéma possesseur. Pourtant, la relation avec la forêt se
récurrent dans le recueil, où il ne faut voir ni transforme vite en un jeu de rôles ; au début de
lassitude, ni recyclage paresseux mais plutôt un la première section du recueil, dans « l9arbre »,
clin d9Til rassurant, déjà à l9Tuvre dans l9effet on lit : « j9écoute cette partition » de sorte que
de miroir contenu/titre : la forêt est ce point de la locutrice est passive tandis que c9est la forêt,
repère, ce signe d9un regain ou d9un reste de humanisée, qui s9adonnent à des activités
cohérence dans un monde instable. Autre humaines : (« les forêts hurlent »). Puis les forêts
preuve de ce rôle rassénérant et stabilisateur deviennent passives, et « entendent nos rêves »
de la forêt, l9emploi de la tournure récurrente, (mises en position de réceptrice) et de nouveau,
slogan élémentaire dans sa construction placées en position d9agents de l9action : « les
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