Perspectives littéraires n.3 - Journal - Page 9
Perspectives littéraires : Lisez-vous de la poésie ? Quelle place tient la poésie dans votre vie ?
Lydia Blanc : La poésie est depuis très longtemps, peut-être toujours, le genre qui me semble le plus
normal : ses écarts, ses licences grammaticales, ses bizarreries typographiques et sa musicalité me
soulagent, épousant nos cadences intérieures, me confortant dans l9idée que c9est le tout le reste de
l9existence qui est à la fois plus tordu et plus aplati. J9ai rencontré la poésie dans un cours de français à
l9école élémentaire, par la voix de Leconte de Lisle, je me souviens très bien des mines dubitatives de mes
congénères ; moi, j9étais aux anges. Chaque matin encore, j9emporte avec moi, après l9avoir soigneusement
choisi dans la bibliothèque, un recueil de poésie italienne ou française dans mon sac à dos, pour être mon
compagnon, mon viatique, mon scaphandre pour la journée.
Perspectives littéraires : Qu9avez-vous pensé de l9entrée au programme de Première d9un écrivain vivant ?
Lydia Blanc : Même si je sais tout ce que je dois aux auteurs patrimoniaux, morts compris bien-sûr, je me
rappelle qu9il y a une bonne dizaine d9années, un lycéen de première S pas très littéraire, surgissant de
son fond de classe, m9avait lancé, sourcils froncés : « pourquoi on n9étudie pas d9auteurs vivants ? » Cela
m9était restée. Comme Calvino, j9ai toujours pensé des classiques qu9ils sont notre meilleur passeport pour
la modernité néanmoins, étudier la littérature contemporaine permet de poser autrement les problèmes
littéraires et linguistiques, pour finalement revenir toujours aux classiques.
Pour autant, choisir un auteur parce qu9il est une femme ou parce qu9il est vivant (ou parce qu9il serait issu
de je ne sais quelle minorité) ne seraient des services à rendre ni à la littérature ni aux auteurs eux -mêmes.
Je sais donc que ce n9est pas de côté-là qu9on trouvera les raisons de l9introduction au programme d9Hélène
Dorion. J9ai donc été intriguée en découvrant les nouveaux programmes, d9autant que si j9avais lu quelques
bribes d9Hélène Dorion (mise à l9honneur par le Printemps des poètes), sa poésie m9était inconnue.
Lorsque je me suis immergée dans son Tuvre, je me suis vite rendue compte qu9elle n9était pas que
contemporaine, tant elle incorpore à sa poésie toute une tradition et même, plusieurs traditions mêlées.
Elle est donc certes bien vivante, mais en faisant revenir d9entre les morts Dante, Rilke, Camus, Spinoza &
Ce juste milieu, si l9on peut dire, entre les morts et les vivants m9a rapidement semblé irrésistiblement
poétique.
Perspectives littéraires : Pour quelles
raisons avez-vous retenu de faire lire à
vos élèves de Première le recueil de
Dorion ?
Lydia Blanc : Par modestie et par
curiosité. Mon goût et mes études
m9auraient plutôt portée à étudier Ponge
que je connais assez bien et que je relis
fréquemment. En revanche je ne me sens
pas légitime sur Rimbaud que je ne
connais que très superficiellement.
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