Perspectives littéraires n.3 - Journal - Page 92
Proposition de corrigé
François CHENG a été un étudiant
chinois exilé en France, puis un universitaire et
traducteur, puis un calligraphe, puis un poète
respecté et un Académicien entré sous la
coupole en 2012. Auteur, notamment, de
Cantos toscanos, La vraie gloire est ici et Enfin
le royaume, maitre dans l9art du quatrain (pour
sa « dramaturgie », dit-il), il écrit et publie
depuis la fin des années 70. Son recueil Le long
d9un amour fait partie fait des Tuvres de
jeunesse et il y développe, en sept volets, une
poésie lyrique, animée et désireuse de célébrer
l9amour comme une chance.
Ici, au cinquième chapitre de son récit
d9amour, dans « Près de toi, comme
côtoyant& » il revient en trois strophes
inégales sur l9expansion de l9amour comme
repeuplement joyeux du monde et de l9univers.
On devine tout de suite le défi : en quelques
mots, il s9agit de capter l9essence quasi
magique d9un amour qui communie avec la
nature, qui en est tout à la fois la source et
l9allié, et qui redonne vie à celui qui l9éprouve.
Comment exprimer, en une page, un
amour intégral ?
développement en treize vers, une strophe
jamais vue, des miracles accomplis par cet
amour inédit, et enfin, en un quatrain conclusif,
le bilan en écho à l9annonce, qui vient
parachever et fixer dans l9écriture l9enjeu
véritable de l9amour, comme une énigme
finalement résolue: moins repeupler l9espace
qu9apprivoiser le temps, infini, et engager
l9éternité.
1er MOUVEMENT = 1 ère STROPHE. Définir
l9amour ?
Au fond, Cheng nous révèle ici « le Grand
Secret » comme dirait Michaux de l9existence,
l9Amour. Pour approcher ce mystère suprême,
Cheng démarre par une annonce prudente mais
engageante, destinée à nous donner envie de
rentrer dans la peinture de l9amour. Si le grand
amour peut faire peur, avec Cheng, il doit au
contraire sembler naturel et encourageant.
La première strophe, au vers liminaire,
propulse l9objet de l9amour, toi à laquelle le
poète s9adresse intimement en la tutoyant, dès
l9attaque (« Près de toi ») et lui conférant le rôle
de matrice sensorielle : à partir de toi, le monde
devient plus sensible et se dévoile en suivant
ton tempo, ce que matérialise l9allitération tirée
du pronom toi, en (t] dans toute le sizain :
« côtoyant », « rythme », « traversé », « tardif ».
L9amour est donc posé comme le véritable
artisan musical du poème, puisqu9il crée un
rendez-vous sonore consonantique.
Le poème est constitué de strophes
inégales entre elles : un sizain puis un
ensemble de treize vers et enfin un quatrain. On
devine donc la prise d9ampleur du poème, pour
ainsi son épanouissement en son centre, sa Dès les vers 1-2, cette première définition de
plénitude atteinte dans l9énumération de ce qui l9amour se double d9une caractérisation plurisensorielle : l9amour
consacre la réunion,
est
placé
à
la
pour ne pas dire la
confluence
de
fusion, entre l9amour
presque tous les sens
et la nature. Les trois
le
toucher
avec
temps du poème sont
« près »
et
signalés
par
la
« côtoyant », le son
structure-même
du
avec « rythme », la vue
poème : annonce des
avec
« invisibles ».
résultats prodigieux
Certains
mots
de l9amour, en six vers
témoignent
en
euxprometteurs (achevés
mêmes d9une histoire
par les points de
de
concorde
et
suspension), puis long
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