Perspectives littéraires n.3 - Journal - Page 95
divinités de la nature, par exemple
Cybèle déesse de la fertilité, il est
annoncé
par
les
tournures
antiphrastiques « rien qui ne
s9oublie » et « l9effluve sans âge »
qui nous font comprendre que tout
se remémore constamment et que
le parfum loin d9être atténué, a
traversé les âges. Le sacré se loge
même dans l9anodin et le grand
amour ne peut plus jamais
disparaitre.
La longue strophe centrale a rendu
hommage à l9amour fécond, l9amour
fédérateur, l9amour synesthésique
et l9amour créateur au fil du poème.
Ce faisant, elle a installé l9amour
14, plus loin « retrouvé » au vers 21) puis le
dans la durée. La dernière strophe va le
roulis qui s9entend dans la fricative voisée
conforter dans l9éternité.
(c9est-à-dire vibrante) en [r] : « travers »,
« clairières », « forêt », « ressacs », « répand », 3e MOUVEMENT = DERNIERE STROPHE. De la
« chevelure », « azur », « enivre ».
célébration du lieu (la nature) à la conquête du
temps (l9éternité)
Le vers 15 acte le mélange de trois
éléments sur quatre, eau, terre et air : « noyant
Au vers 20, il s9agit de retourner à la
mille pétales dans l9azur », tandis que les cinq destinataire, la muse qui a favorisé cette
sens (vue, son, toucher, goût, odorat) se éclosion : « Près de toi » est repris tel quel, à
rejoignent
dans
cette
strophe
avec, l9identique des mots inauguraux. Est-ce une
respectivement,
« azur »,
« échos », simple répétition ? Un retour au point de
« caressantes », « enivre », « effluves ».
départ ou plutôt, une façon de montrer que le
bonheur d9être deux, ensemble, sans jamais se
Le vers 16 (« s9enivre ») confirme le
perdre de vue, n9est jamais entamé, à tout
régime verbal quasi exclusivement pronominal
moment réactualisable ? Le parallélisme de
de cette strophe : plus haut, « s9abandonne »,
construction qui nous donne successivement le
« se répand » avant que n9arrive : « s9oublie ».
lieu (« près de toi ») puis la comparaison avec
Le verbe pronominal, qui en français permet de
une action au participe présent (« comme
rompre avec la répartition habituelle et
côtoyant au début et « comme immergeant » ici)
schématique où tout se distribue entre sujets et
nous fait douter d9une répétition comme d9une
objets de l9action, montre que l9amour est
simple duplication : l9amour n9est pas voué à
moins affaire de domination que de processus
recommencer
paresseusement,
entre
réfléchi qui engage la totalité de son être (plus
« côtoyant » et « immergeant », comme les
tard, en fin de poème, on aura « le temps s9y
préfixes nous l9indiquent, on a encore gagné en
perd »), et davantage une disposition intérieure
capacité fusionnelle. L9amour ne recommence
(celle qui se joue dans « l9âme » mentionnée
que pour redoubler.
supra) où tout se fond et ne fait qu9un (ce
qu9exprime le pronom réfléchi).
Les éléments de la première strophe se
retrouvent, confirmés et aboutis : « le rythme »,
Le vers 19 met à l9honneur le « pin », ce
ainsi que le « paysage » désormais identifié
conifère au feuillage persistant, synonyme
(« un paysage » devenu « le paysage ») mais
d9éternité pour les Anciens ; arbre consacré aux
94