Perspectives littéraires n.3 - Journal - Page 98
Exemple de sujet traité
Sujet n°11
Dans Comme un château défait (1993), le poète Lionel RAY écrit : « Ce qui parle
dans le bois [&], dans le feuillage des consonnes [&], les branches brisées de la
forêt humaine, te ressemble. » Dans quelle mesure les forêts d9Hélène Dorion nous
ressemblent-elles ?
Corrigé rédigé
« Quand je vous parle de moi, je vous
parle de nous » :
voilà la légère variante à la
déclaration hugolienne qu9il serait tentant
d9attribuer à Hélène Dorion, poète du partage
et de l9universalité ainsi qu9elle le revendique
encore elle-même en écrivant dans sa tribune
au quotidien français Le Monde le 13 juin
2023 : « « Au milieu des flammes, que nous
manque-t-il pour sentir que nous sommes ce
qui brûle avec les arbres ? »
Si la nature et la poésie semblent les vecteurs
idéaux de l9expression du moi, le sont-elles
forcément pour engager toute une humanité et
tout lecteur ? Les forêts d9Hélène Dorion qui
nous traduisent ou nous racontent, veulentelles pour autant nous ressembler ? Sans
tomber dans les complexes débats sur la
mimesis, dont la poésie semble toujours avoir
été exclue98 ne peut-on pas considérer Mes
forêts comme le miroir déformant des êtres que
que nous sommes : un miroir qui embellit et
magnifie plus qu9il ne reflète ?
la nature, pour apprécier Nos forêts ? Les forêts
d9Hélène Dorion font en effet la part belle à une
nature qui porte déjà toute la métaphore filée
du recueil. Allégorie de l9état émotionnel de la
poète au sens où elle révèle son intériorité99, la
forêt ou les forêts reviennent plus d9une
cinquantaine de fois dans le recueil et à cinq
reprises reviennent dans le vers liminaire. Les
forêts reviennent aussi sous la forme
d9association d9idées, ainsi dans la déclinaison
du motif sylvestre qui fait la première
section (« l9écorce incertaine ») du livre : « les
feuilles », « les branches », « l9humus » ou
encore « le tronc ». Elles reviennent aussi sous
la forme de refrains et allitérations entêtantes,
comme le [f] de forêt qui gagne peu à peu le
recueil, que l9on retrouve dès e poème liminaire
dans les « fantômes » ou plus loin, les
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Les forêts d9Hélène Dorion pourraient ne
rien nous dire. Le pari que fait la poète d9une
langue commune ne va pas de soi. Les forêts
d9Hélène Dorion s9adressent-elles bien à tout le
monde ?
Ne faut-il pas une sensibilité particulière,
celle qui nous fait admettre notre place parmi
Et parce qu’elle n’est pas action, et aussi, sans doute,
parce qu’elle n’entretient pas avec le réel un rapport de
subordination.
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Dans Sous l’arche du temps, Dorion confiait déjà :
« L’arbre que je regarde ouvre le paysage comme on ouvre
une fenêtre donnant sur soi. » (Ed. la Différence 2005) : p.
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