Perspectives littéraires n.3 - Journal - Page 99
présences récurrentes du « feu », de la en outre difficile de s9identifier aux forêts si peu
« fissure », de la flottaison, ou de la « faille » :
décrites : on devine, à l9évocation des « épines »
et « aiguilles » et à la mention du « jeune
la forêt disperse100
érable » qui renvoient davantage aux conifères
et aux espèces végétales typiques des
nos fatigues
territoires nordiques, associés à la mention
masques et failles
fréquente de « la neige », qu9il doit s9agir du
Québec, mais alors cela a-t-il quelque chance
de nos illusions
de toucher tous les lecteurs qui n9arpentent pas
la dispersion dont parle la poète participe en les territoires préservés d9Orford ? Le recueil
vérité d9un processus de semaison de la est en effet suffisamment vague pour ne
fricative [f] que l9on retrouve dans la « fatigue » nommer aucune contrée particulière, en tout
et les « failles », à se demander si le cas dans la première moitié du recueil : les
naturophobe pourrait vraiment, même s9il le désignations de grandes généralités par
voulait de toutes ses& forces, échapper au l9article défini (« les arbres », « le sol », « le
recueil. Ce dernier le ramènerait vite même de jardin », « l9herbe » &) suffisent-elles établir
façon subtile, aux enjeux écologiques qui quelque connivence ? Difficile pour le lecteur
n9anime pas forcément tout un chacun : la de composer avec des bribes d9informations :
mention du « bois de Walden » ou encore la une fois nous voyons un féminin singulier
référence à Annie Dillard101, poète, romancière caractériser davantage la locutrice (dans
et activiste américaine connue pour son éveil à « l9onde du chaos » n9écrit-elle pas « Je me suis
la spiritualité ainsi qu9à une conscience assise / au milieu/ de ces vastes alliés/ sans
écologique avant l9heure, que Dorion place en voix » ?) ; en fin de recueil, la poète pratique un
épigraphe de sa dernière section, « le name-dropping qui donne l9illusion d9un
Bruissement du temps »102, sans préciser la ancrage autobiographique et réaliste (« rue
source de la citation, pourrait effrayer tous ceux Summerside »103,
« l9hôpital
du
Saint104
105
qui ne se retrouvent pas dans une telle Sacrement » , « ma sTur ») . Mais que fautexpérience, jusqu9à fermer le cercle des lecteurs il déduire d9une simple mention ponctuelle ?
potentiels. Dans une première lecture, il semble Faudra-t-il s9aventurer dans le terrain du
décryptage
et
du
dévoilement de l9intime pour
éprouver un sentiment de
communion avec l9écrivaine
ou bien pourra-t-on lui
ressembler
tout
en
admettant ne pas tout
savoir,
ne
pas
tout
comprendre de
son
expérience et de la relation
qu9elle en donne ?
Le recueil Mes forêts
ne requiert-il pas d9avoir
vécu une certaine expérience
Fin du poème « Les vents », in « L’écorce incertaine ».
101
Cf. https://www.harpercollins.com/products/pilgrim-attinker-creek-annie-dillardanniedillard?variant=41143171186722
102
« Où avons-nous été, / et pourquoi descendons-nous ? »
100
103
Rue de Sainte-Foy, localité rattachée à la ville de
Québec, où H. Dorion et sa sSur ont grandi.
104
Hôpital de la ville de Québec.
105
« Avant la nuit ».
98