Perspectives Littéraires nurméro 1 octobre 2022 F Gherman IA IPR de Lettres - Journal - Page 33
Perspectives littéraires, numéro 1, octobre 2022
conte bat son plein – Les
Contes d'Hoffman ont été
traduits à la fin des années
1820), Balzac dévoie la lecture
fantastique (registre présent
dans la plupart des œuvres des
Eudes philosophiques de La
Comédie humaine), joue avec
elle pour mieux l'orienter vers
une lecture rationnelle : la
magie de la peau de chagrin,
cette « Peau d'âne » qui semble
ouvrir vers le conte, est avant
tout, la conjugaison des
hasards des circonstances et
du pouvoir de la pensée sur le
corps. Ce n'est pas tant le
roman qui est fantastique, que
le regard de Raphaël qui est
merveilleux et problématique.
Le génie de Raphaël a quelque
chose de tragique.
vie dévorée par le fantasme.
Quand d'autres seront tiraillés
par la volonté de savoir,
Raphaël, lui, est dévoré par le
fantasme de toute puissance).
En effet, de nombreux éléments
relient La Peau de chagrin à
d'autres romans de cette étude
philosophique et en font une
expérience
scientifique et
poétique de la passion. Le récit
met en scène un personnage
tiraillé par les contradictions,
les théories sur la volonté
(comme Louis Lambert, il a le
projet d'écrire une étude sur la
volonté), ses passions et sa
lucidité (croisant des figures
aussi cruelles que fascinantes,
des Euphrasie et Aquilina,
comme le futur Melmoth
réconcilié…), travaillé dans son
corps par sa pensée, il est dans
la lignée d'autres personnages
de ces contes philosophiques,
souvent fantastiques. Raphaël
est un cas d'étude.
On notera à ce propos, que
dans
ces
romans
«
philosophiques », et en
particulier dans La Peau de
chagrin, la part fantastique est
justement toujours un peu
factice, délibérément partielle
et présentée comme fantasmée
; elle correspond presque à un
symptôme du mal-être du
personnage. De nombreux
éléments concourent, en effet,
à délivrer au lecteur une
explication scientifique, rationnelle. Dans une période où le
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Ainsi, Raphaël est un cas à
analyser
parmi
d'autres
personnages débordés par leur
pensée. Il est l'homme qui
cherche à interpréter sans
cesse le monde et tend à
proposer mille romans, mille
interprétations
à
chaque
événement. Débordé qu'il est
par le fantasme, par le désir, il
ne parvient pas à jouir de la
réalité.
Le pluriel pose aussi le
problème de l'intertextualité
dans une œuvre traversée
constamment
par
des
références littéraires.
Le narrateur, mais aussi les
personnages eux-mêmes, ne