Perspectives Littéraires nurméro 1 octobre 2022 F Gherman IA IPR de Lettres - Journal - Page 36
Perspectives littéraires, numéro 1, octobre 2022
sont des fuites vaines dans
cette course fatale.
réaliser, passer à l'acte, dans
l'écriture elle-même.
Et de fait, La Peau de chagrin,
s'ouvre sur une épigraphe
étrange : un dessin, sorte de
tracé sinueux, à la forme
cabalistique (cette épigraphe
est associée au roman Tristram
Shandy de Sterne représentant
le mouvement de la canne du
capitaine Trim... Ce mouvement
sera interprété dès la sortie du
livre comme l'allure « serpentine » de la vie), et ce tracé
étrange pose d’emblée la
question du récit, de sa
cohérence, de la digression.
Effectivement,
le
récit
s'interrompt, les questions
multiplient
les
pistes
d'interprétation, puis le récit
reprend son cours. Toutefois,
cette reprise est provisoire,
puisque le récit lui-même
serpentera sans cesse à travers
les narrateurs (le narrateur
extradiégétique puis Raphaël),
à travers les types de textes
(descriptions infinies chez
l'antiquaire, dialogues interminables pendant le repas, récit
autobiographique ensuite etc.)
et les rencontres avec les
femmes.
On peut dire, qu'à l'image du
roman de Sterne, chaotique,
plein de détours et de parcours
accidentés,
le roman de Balzac s’ouvre
d’emblée sur une digression :
: à peine le narrateur a-t-il
commencé à lancer le récit qu'il
l'interrompt. Le jeune héros,
dont on ne connaît même pas
le nom, vient d'entrer dans une
salle de jeu, une voix lui
demande alors d'ôter son
chapeau, et voilà que le récit
s'arrête pour proposer une
série de questions du narrateur
sur le sens de cet acte.
Interpellant le lecteur directement, il lui propose une foule
d'interprétations (ce rituel
d'ôter son chapeau est-il un
code social, une question
d'ordre moral, une allégorie
religieuse etc.… ?). L'épigraphe semble alors se
Ainsi, le roman est plein de «
romans » différents, semblant
même ne pas
vouloir
finir
comme
en
témoigne l'Epilogue, qui revient
sur le personnage de Pauline.
Le roman cherche une voix,
ouvre des voies
pour raconter, il
divague, et peint
un chemin étonnant, qui place la
digression
comme pulsation
du genre romanesque.
Sur ce point,
l'Epilogue
semble
opérer
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une sorte de résolution de la
question de la digression, par
la métamorphose de ce tracé
sinueux et inquiétant du
détour, en volutes harmonieuses, en « arabesques » pour
reprendre le vocabulaire de
Balzac.
Dans cette conclusion étrange,
(passage à la fois dans le
roman et hors du récit), une
voix, qui dialogue avec le
narrateur, demande ce que
devint Pauline. Le narrateur
offre alors plusieurs réponses
étranges, émouvantes, pleines
d'images (de feu, d'air, de tracé
du peintre), pour dire cette
jeune femme et sa beauté :
« Ici la combustion dessine », «
elle miroite des velours », «