Perspectives Littéraires nurméro 1 octobre 2022 F Gherman IA IPR de Lettres - Journal - Page 37
Perspectives littéraires, numéro 1, octobre 2022
images du tracé du
peintre, du mouvement
du feu, des cheveux et de
l'air, comme une autre
lecture du dessin initial
tiré de Sterne, ou pour le
dire
autrement,
sa
description poétique est
une façon de transformer
la digression chaotique et
errante de l'existence, en
arabesque et en beauté.
Vient un peintre inconnu qui se
sert de cette flamme », « il trace
(…) une figure supernaturelle
et d'une délicatesse inouïe (…)
c'est une femme aux cheveux
emportés par le vent (…) la
femme qui passe comme un
baiser (…) Les lignes de ses
formes sont d'une pureté qui
vous dit qu'elle vient du ciel.
(…) Tout à tour ondine ou
sylphide, cette fluide créature
voltigeait dans les airs comme
un mot vainement cherché qui
court dans la mémoire sans se
laisser saisir ... »
Pauline est-elle morte ? (fantôme blanc comme des nuages
dans l'air ?) Est-elle présente ?
(elle est l'air que l'on respire, le
feu des amants), peu importe.
Ce que le lecteur finit par
comprendre, c'est qu'elle est
représentée, à travers les
Les romans de l'énergie
signifient donc aussi ceci
: comment le roman (par
sa forme hybride) parvient à transformer le
chaos, la digression et
l'errance, en un tracé
sublime, aux confins de la
poésie : le tracé cabalistique et
informe de la vie (fait de
digressions), représenté dans
le parcours de Raphaël, s'est
métamorphosé
en
une
arabesque
poétique.
Les
dernières pages touchent ainsi
le sublime. Le dessin est
pourtant le même que le dessin
initial de l'épigraphe, il n'est
pas différent : un mouvement
insaisissable et fluide comme
un serpent.
Toutefois, dans cet Epilogue,
ce mouvement n'est pas pris
dans le fantasme d'une
progression, d'un début et
d'une fin, dans la chronologie
et la vision téléogique de la
destinée, il est, au contraire,
accepté en tant que tel, pour
lui-même, dans son être sans
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pourquoi, dans la beauté des
images.
Mouvement insaisissable et
fugace, il est cependant
totalement entier, présent,
unifié. Il se donne dans un seul
regard.
La beauté du personnage de
Pauline,
cette
courbe
ondoyante qu'elle dessine,
c'est la présence fugace et
fragile de l'être, et c'est
l'écriture poétique qui la révèle.
Le chemin tortueux s'est fait
roman, puis poésie. Raphaël a
échoué, le roman a réussi. Il a
converti l'informe en une
forme. Du tracé illisible et
angoissé de la vie de Raphaël,
il a fait une aquarelle. Rien n'a
été détruit ici, rien n'est apparu
véritablement, mais quelque
chose a eu lieu, par la magie de
l'art.
Ainsi, le pluriel « les romans »
place au cœur de notre
interrogation le statut de la
digression dans le roman, la
capacité du genre romanesque
à unifier le chaos et à faire du
fantasme et de l'illusion, une
forme de beauté, au service du
réel.
Comment le roman joue-t-il
avec le divers ? Comment le
roman parvient-il à tendre vers
la poésie ? Comment transformer la vision téléologique
de la vie, en une vision
poétique ? Comment transformer l'errance en arabesque
? Comment convertir l'errance