Perspectives Littéraires nurméro 1 octobre 2022 F Gherman IA IPR de Lettres - Journal - Page 38
Perspectives littéraires, numéro 1, octobre 2022
et les fantasmes en une réalité
poétique, en œuvre ?
Enfin, le pluriel interroge sur le
sujet de l'oeuvre, car si les
visions
de
Raphaël
se
démultiplient, le sujet du livre
est lui aussi complexe et
vacillant : s'agit-il du corps, du
désir, de l'argent, de la société
?
Cependant, la question n'est
pas de choisir, mais de montrer
comment
le
romanesque
parvient justement à faire
s'entremêler voire fusionner
toutes ces possibilités. Le
roman devenant, là encore, la
véritable peau qui permet la
réunion des contradictions.
Parce que le roman est un récit
fictif,
parce
qu'il
réunit
descriptions et passages à
l'action, parce qu'il déploie un
temps narratif, il est la vie
même, mais ordonnée, sublime
et tragique. Véritable « Peau de
chagrin ». Comme le disait
Roland Barthes, « le roman est
une Mort, il fait de la vie un
destin ». Mais ce tragique est
sublime pour Balzac, car, si
mort il y a, nécessairement, par
la destinée romanesque, celleci est construite, ordonnée,
dessinée, mise en œuvre.
2) Energie/ Création et
destruction
Le
parcours
place
l’énergie
comme
l'élément
initial
du
romanesque :
Trois
types
d'énergie
parcourent l'oeuvre : l'énergie
(concept physiologique) du
désir passionné, violente, qui
s'épuise dans un souffle et
qu'il
faut
économiser
(Raphaël est, par certains
aspects,
une
figure
mélancolique et romantique
qui est dévoré par son désir
et
son
insatisfaction),
l'energeia de l'être (concept
philosophique hérité d'Aristote et qui représente
l'épanouissement des choses
dans l'être), cette capacité
des choses elles-mêmes à
maintenir leur être, de
manière stable et éternelle
(ce qu'on trouve par exemple
dans les descriptions de la
nature à la fin du roman),
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enfin,
l'enargeia
poétique
(concept
rhétorique
et
stylistique), énergie de la
description qui permet de
donner à VOIR les choses ellesmêmes.
Le roman fait se confronter ces
trois manières d'éprouver la
force des hommes et du
monde.
La notion d'énergie doit
donc être interrogée sur
plusieurs
plans
qui
convergent :
les trois verbes invoqués par
le vieillard dans la première
partie « vouloir, pouvoir, savoir
», la relation « corps-/sentiments/idées mais aussi «
illusion/réalité/œuvre d'art ».
3)
Création
destruction
et
L'énergie n'est donc pas
seulement soumise à la
création puis à la destruction
dans la Peau de chagrin ; au
contraire, le mouvement de
l'énergie est dialectique : toute
création détruit (avoir le
pouvoir de tout faire détruit le
désir), toute négation crée
(l'absence d'argent, l'absence
d'amour suscitent le désir),
toute antithèse cherche à se
dépasser, à se réconcilier
(l'imagination qui fantasme
cherche la beauté dans le
regard simple, l'illusion cherche