Perspectives Littéraires nurméro 1 octobre 2022 F Gherman IA IPR de Lettres - Journal - Page 47
Perspectives littéraires, numéro 1, octobre 2022
LECTURES DE SIDO (1930) suivi de LES VRILLES
DE LA VIGNE (1908), de Colette
Par Lydia P. Blanc, docteur en histoire, professeure certifiée au lycée Georges Duby, Aix-enProvence
Colette en 2022
Une bizarrerie ?
Colette pour des lycéens
?
Colette peut surprendre dans
un programme qui propose
des grands classiques tels que
Manon Lescaut et La peau de
chagrin.
Colette
semble
présenter une écriture facile
d’accès et des problématiques
naïves.
La
démarche
autofictionnelle joue pourtant
avec les limites et prétentions
de la littérature, et le rapport
de Colette au lecteur, mais
aussi au lyrisme et à la langue
française ne
transparents.
sont
pas
si
Une
méconnue
romancière
Colette est difficile à cerner : on
peut voir en elle à la fois la
femme en lutte avec son
époque où revendiquer son
autonomie et son émancipation
était perçu comme fantaisiste ;
à la fois une mondaine (avec les
soirées
au
théâtre
et
l’appartement rive droite à
Paris) et une ermite (de son
enfance bourguignonne à sa
villégiature bretonne). Même
son rapport à la famille n’est
pas à une contradiction près :
elle qui a le culte de la famille
(certes déjà recomposée mais
somme
toute
assez
traditionnelle avec père, mère,
enfants, voisins et animaux
domestiques) a connu trois
unions successives, certaines
traditionnelles (le mariage avec
le charismatique et patriarcal
Willy)
certaines
plus
étonnantes (allant jusqu’à
entamer une liaison avec son
beau-fils), et aura entretenu
avec sa propre fille des
relations assez distendues. On
l’associe non sans caricature à
des hobbies jugés désuets (à
quel élève d’aujourd’hui la
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bouture d’un rosier ou la
croissance d’un géranium
pourront-elles parler ?) sans
toujours voir tout ce qu’ils ont
de
profondément
et
typiquement littéraires. Enfin,
Colette voit son
image
brouillée
par
un
positionnement pour le moins
ambivalent pendant les années
noires d’occupation fut trouble.
Dans sa production même,
comment se former une idée
cohérente d’un style mais aussi
bien au service de chroniques
judiciaires qu’à celui de la saga
des Claudine ? Bref, Colette est
cette écrivaine que tout le
monde croit connaître, et qui
pour sûr reste à découvrir.
Premiers
l’œuvre
défis
Le
mirage
)biographique
de
(auto-
L’assemblage forcé de Sido et
des Vrilles de la vigne permet
d’emblée d’éviter l’écueil de la
lecture par le seul prisme
autobiographique ; Antoine
Compagnon qui reconnaît que
Colette érige tout un «
monument à sa mère » , nuance
aussitôt et rappelle que la mère
fut longtemps absente de son
œuvre et que « leur complicité