Perspectives Littéraires nurméro 1 octobre 2022 F Gherman IA IPR de Lettres - Journal - Page 49
Perspectives littéraires, numéro 1, octobre 2022
assise dans la vie médiatique et
littéraire de son époque, il y a
quasiment un monde.
Les vrilles de la vigne :
émancipation
ou
conformisme ?
Les vrilles de la vigne suivent
le cycle des Claudine qui
portent l’empreinte forte de
Willy,
le
premier
mari
charismatique. A ce moment-là,
Colette
assume
mal
la
littérature
pompeuse
et
oratoire, ayant plus ou moins
surmonté la surcharge lyrique
qu’elle déplore chez son père
(« trop d’adjectifs ! » ) et elle
assume encore mal de gagner
sa vie avec de la littérature,
qu’elle prétend « détester »
selon ce qu’en rapporte son
ami
Joseph
Kessel.
L’éprouvante
collaboration
avec Willy lui fait prendre
tardivement conscience de son
pouvoir d’écrire puis de son
besoin d’écrire, quand bien
même elle grandit dans un
milieu bibliophile et ne cache
pas son amour pour le roman
balzacien.
Pourtant ces brefs textes
compilés
se
révèlent
ambivalents : ils placent
Colette dans un mouvement
d’expression féminine dont on
ne sait pas bien encore à l’orée
du 20e siècle, s’il faut y voir
l’éclosion
d’une
parole
subversive
aux
accents
libertins (et de là, un lyrisme
militant) ou bien y admettre
simplement la voix d’un
sentimentalisme de
bon aloi autant dire
d’épanchements
autobiographiques
habituellement
prêtés à la gent
féminine.
Sido ou le triomphe
de l’autofiction
Très différentes sont
les conditions de
publication de Sido
en 1930. Le paysage
romanesque a bien
changé, une fois
évacués les relents
romantiques
au
profit
de
questionnements
renouvelés
sur
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l’identité et la quête d’absolu
et/ou de liberté : en 1927, la
totalité des sept tomes d’A la
recherche du temps perdu de
Proust a trouvé son public.
Raboliot de Genevoix est
auréolé du Goncourt en 1925,
Sous le soleil de Satan de
Bernanos sort en 1926, Les
Faux-Monnayeurs paraissent
en
1927,
Thérèse
Desqueyroux de Mauriac en
1929 … Tournant la page
avec la période d’après-guerre,
les romanciers se concentrent
sur l’être du dedans, un soi à
réinventer et surtout, faire voir
et entendre. Sido participe de
ce
courant
romanesque
gageant que les états d’âme du
personnage
forment
une
aventure intérieure tout aussi
importante
que
les
pérégrinations de héros de
romans
réalistes
ou
naturalistes.
Deux titres
oppose
que
tout
Les deux ouvrages offrent dans
leur présentation et leur
construction,
plus
d’une
divergence.
Titres des œuvres
Quand Sido, via l’apocope en
guise de diminutif, veut miser
sur la connivence et la
familiarité, Les vrilles de la
vigne font confiance non pas à
un référent réaliste mais à une
image, qui plus est jargonnante