Perspectives Littéraires nurméro 1 octobre 2022 F Gherman IA IPR de Lettres - Journal - Page 53
Perspectives littéraires, numéro 1, octobre 2022
L’évocation de la plage balayée
par les vents devient le
prétexte à une reconstruction
améliorée du monde, un
monde symboliste où des
ententes secrètes entre les
mots, liés par des réseaux
sonores et sémantiques, se
noueraient, rendant le monde
plus harmonieux qu’il n’est
véritablement : le vent se
répand par l’allitération en [v] («
vent », « vienne », « mouvantes
») et l’assonance en [ã] («
changer », « mouvantes »,
jusqu’à combiner les deux
processus sonores dans «
mouvantes ». Quant à la
consonnance (écho entre «
coquilles » et «
collines », deux
termes concluant
les
deux
injonctions
parallèles lancées
par « Fais un
signe… »), on
comprend qu’elle
dépend
des
consonnes liquides
nombreuses après
la mention du «
vent » (« il », « le
sable », « les », « ils
», « léger », « souffle
», la ») qui, à force
de frapper et polir
les
éléments
minéraux,
ont
adouci
les
paysages
mais
aussi des sons, «
collines
»
ne
constituant jamais
que la forme érodée des «
coquilles ».
Enjeux et dynamiques
des œuvres
Sido
Au commencement était
le verbe
Les biais d’appropriation du
monde dans les deux ouvrages
sont très différents. Dans Sido,
ode à la mère organisée en
trois volets inégaux où semble
se diluer la présence de la mère
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peu à peu (chapitre sans nom
mais tout entier consacré à la
mère, « le Capitaine », « les
sauvages ») le monde dont
parle Colette est un mélange
de souvenirs d’enfance pleins
d’humour dans une langue
volontiers
désuète,
de
considérations botaniques, et
d’esquisses de réflexions plus
hétéroclites sur la condition
féminine. La mère, apparaît
pour la première fois dans un
dialogue (« Et pourquoi
cesserais-je d’être de mon
village ? … ») et dans un acte
linguistique
(«
elle
s’interrompait », « Ainsi parlait
ma mère … »), preuve que c’est
bien la parole qui fait les
personnages et non l’inverse
chez Colette.
Indubitablement chez Colette,
célébrer le monde veut dire
célébrer la mère, et célébrer la
mère veut dire aimer la mère.
Le simple fait de la faire passer
de « ma mère » où le lien
familial
est
explicitement
indiqué à « ma charmante mère
» qui combine, pour insister sur
le lien, sur les marques
d’affection et enfin à l’apocope
valant pour diminutif affectif, «
Sido » montre que cette mère
est changeante, évolutive mais
aussi que toute célébration
passe par une appropriation, la
narratrice redessinant peu à
peu l’identité de son héroïne.
On peut aussi prendre le
problème à l’envers et se
demander quel monde est