LMI MAG 3 Juin 2020 - Flipbook - Page 61
propre système de propulsion. « Elles ont un moteur à
hélice naturel intégré qui leur permettent de nager »,
expliquent ainsi les scientifiques de l’université Queen
Mary de Londres.
Les recherches sur l’Internet des objets nanobiologiques
(IoBNT) ne font que commencer. Pour l’instant, les chercheurs britanniques se sont surtout attachés à établir des
similitudes entre les bactéries et l’informatique et regarder comment elles pourraient être exploitées. Mais l’étude
est fascinante. « On trouve beaucoup de similitudes entre
les bactéries et les composants des dispositifs IoT courants », écrivent Raphael Kim et Stefan Posland dans leur
article publié sur le sujet. « C’est un argument de poids qui
nous incite à considérer les bactéries comme une forme
vivante de dispositif IoT. » Selon eux, cet Internet des
objets nanobiologique (IoBNT) aurait un rôle bénéfique
à jouer en matière d’environnement. Par exemple, dans
les villes intelligentes, les bactéries seraient programmées pour détecter les polluants. Elles disposent en effet
de bonnes capacités de détection chimique et pourraient
s’avérer plus efficaces que les capteurs électroniques.
Des capteurs très sensibles
En fait, les auteurs affirment que les bactéries partagent
une partie des capacités de détection, de déclenchement,
de communication et de traitement de l’IoT informatique.
Pour ce qui est de la détection et de l’activation, les bactéries sont capables de déceler les produits chimiques,
les champs électromagnétiques, la lumière, l’effort mécanique et la température. Soit exactement les mêmes
capacités que l’on demande à un capteur traditionnel fait
de circuit imprimé. En outre, les bactéries ont des réactions. Par exemple, elles peuvent produire des protéines
colorées. Et ce n’est pas tout, leurs réponses sont plus
nuancées que les capteurs informatiques, et de ce point
de vue, les bactéries sembleraient être beaucoup plus
sensibles.
L’ADN intégré dans les bactéries agit comme unité de
contrôle, tant pour le traitement que pour le stockage
des données. L’ADN génomique pourrait contenir des
instructions pour induire certains fonctionnements,
et les plasmides, une autre forme d’ADN liée à la façon
dont les gènes pénètrent dans les organismes, permettraient de personnaliser les processus par l’addition et la soustraction de gènes. Les deux scientifiques
abordent également la question de la mise en réseau.
« L’IoT organique permet aussi d’activer des émetteursrécepteurs », explique encore l’équipe de chercheurs.
L’importation et l’exportation de molécules agissent
comme une forme de signalisation, et un échange d’ADN
entre deux cellules peut avoir lieu. C’est ce qu’on appelle
la « communication moléculaire », décrit comme
un nanoréseau bactérien. Le passage du numérique
à l’ADN, puis le retour à l’ADN, ouvre la voie à un domaine qui semble prometteur. Les bactéries serviraient
de « substrat pour développer une version biologique
de l’IoT », affirment les scientifiques.
Vers une gamification des bactéries
Il est intéressant de noter que l’IoT traditionnel est né de
la curiosité d’amateurs de technologie qui se sont amusés
à explorer les possibilités des microcontrôleurs Arduino
et des mini-ordinateurs Raspberry Pi. De la même manière, les chercheurs Raphael Kim et Stefan Posland
estiment que c’est cette biologie DIY qui donnera le coup
d’envoi à l’IoBNT, rappelant au passage que l’on trouve
facilement des produits éducatifs de ce genre. C’est le cas
par exemple du kit Amino Labs, qui génère des couleurs
spécifiques à partir de bactéries. « Des outils et des techniques permettant de réaliser des expériences à petite
échelle avec des micro-organismes sont très facilement
accessibles au grand public, par divers canaux, y compris
à travers les makerspeces », déclarent-ils. Les deux chercheurs laissent également entendre que la « gamification
des bactéries » pourrait être un bon domaine d’expérimentation. D’ailleurs, il existe déjà des jeux biotiques.
L’équipe pense qu’en s’appuyant « sur cette biologie du
DIY et sur les techniques de gamification, on pourrait stimuler la participation des utilisateurs et les intéresser à
l’exploitation des bactéries en informatique ».
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