LMi-MAG 6 Mars 2021 - Flipbook - Page 29
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technologie. (Nos confrères de Computerworld ont
contacté plusieurs des fournisseurs précités pour obtenir un commentaire, mais soit ceux-ci n’ont pas répondu
aux messages, soit ils n’ont pu proposer d’interlocuteur
pour débattre de leurs logiciels.)
E
n plein cœur d’une pandémie qui a
conduit à des niveaux sans précédent de télétravail, les outils numériques pour surveiller les employés
en temps réel gagnent en popularité
auprès d’entreprises qui cherchent
de nouveaux moyens de suivre la
productivité de leurs salariés. Au
même moment, cette tendance soulève des inquiétudes
sur la protection de la vie privée des employés et pousse
à s’interroger sur les limites de cette surveillance.
Des applications comme StaffCop, Teramind, Hubstaff,
CleverControl et Time Doctor incluent un suivi de l’activité en temps réel, peuvent prendre des captures des
écrans des travailleurs à intervalle régulier, enregistrent
les frappes au clavier et l’activité à l’écran. Dans certains
cas, les outils de surveillance sont installés à l’insu des
employés. Les entreprises expliquent que leurs objectifs
sont la transparence et la productivité, mais les défenseurs de la vie privée critiquent des virages draconiens
vers un mode « Big Brother », rendus possibles par la
Pendant que l’épidémie de Covid-19 se propageait début 2020, forçant les collaborateurs à quitter les bureaux
pour travailler de leur domicile, l’installation de logiciels
de surveillance sur les terminaux des employés s’est
« très fortement accélérée », observe Brian Kropp, viceprésident groupe du practice RH de Gartner. « Quand la
crise du Covid-19 est survenue, nous avons constaté qu’au
cours du premier mois, 16% des entreprises ont installé
de nouveaux logiciels de surveillance sur les portables
de leurs employés en télétravail », indique Brian Kropp,
qui a étudié les tendances autour des environnements de
travail post-Covid-19. En juillet, ce nombre avait grimpé
à 26% des entreprises. « Il existait déjà une tendance à
surveiller de façon passive les employés, en écoutant et
en regardant ce qu’ils font, et en leur posant de moins en
moins la question », affirme Brian Kropp. « La pandémie
a simplement accéléré ce mouvement. Les entreprises
allaient sans doute emprunter cette voie, la crise sanitaire
a propulsé ce futur dans le présent. »
Phoebe Moore, professeure associée d’économie politique et de technologie à l’université de Leicester, au
Royaume-Uni, partage le constat de Brian Kropp et voit
émerger de potentielles inquiétudes autour de la protection de la vie privée des employés. « Sincèrement, oui,
ces usages augmentent », confirme Phoebe Moore, qui
travaille sur un projet de recherche incluant la surveillance sur les lieux de travail pour le Parlement européen.
« Que ce soit ou non nécessaire est une autre question,
mais c’est réellement en train de se produire. Il y a
beaucoup de nouveaux achats et d’investissements sur
ce type de logiciels, beaucoup d’expérimentations, et je
pense que c’est un peu une évolution d’autres pratiques
qui empiétaient sur le temps. »
Ajuster les processus de travail
La surveillance des employés pour améliorer l’efficacité
n’est pas nouvelle, s’accompagnant de désaccords sur
ce qui a la priorité : le droit des employeurs de savoir
ce que fait leur force de travail, ou celui des employés
à l’autonomie et à la vie privée. Garder l’œil sur les employés est une pratique antérieure à l’âge de l’information.
Les entreprises ont longtemps cherché à accroître
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