LMi-MAG19 Sept - Flipbook - Page 10
ENTRETIEN
Pauline FLAMENT
CTO de Michelin
En昀椀n, il faut garder à l’esprit que chez Michelin, les opérations IT étaient déjà largement outsourcées. A part dans
les usines, nous n’avions plus de datacenters opérés en
propre. Le cloud nous a plutôt conduits à réinternaliser
des compétences pour accélérer la transformation et maîtriser nos coûts. D’abord sur des missions d’architecture
ou de che昀昀erie de projet, puis sur des opérations et de
l’automatisation. Les e昀昀ectifs de l’infrastructure augmentent donc légèrement, mais nous apportons davantage
de valeur ajoutée à l’entreprise et contribuons à réaliser de nouvelles missions, notamment dans la sécurité.
Sans oublier que, sur la data ou sur le calcul, les volumes
d’activité connaissent des rythmes de progression allant
jusqu’à 30% par an, des croissances qui absorbent les
gains d’e昀케cience qu’apporte l’évolution des technologies.
Comment gérez-vous le contrôle des coûts
du cloud, donc le FinOps ?
PF : La transformation que je viens de décrire nous
conduit à exposer notre catalogue de services, mais également les coûts associés. Chaque équipe d’infrastructure produit des rapports, a昀케chant les inventaires et les
coûts des services. Ce qui permet de mener un travail
d’éducation auprès de nos clients internes. Par exemple,
le département chargé du computing organise une réunion avec chaque équipe applicative pour partager les
niveaux de consommation à la fois on premise et dans
le cloud, les tendances observées et les leviers d’optimisation. Force est de constater que ce travail d’éducation
doit encore s’approfondir avec les équipes de développement. La maturité grandit quand ces dernières s’organisent en mode produit et a昀케chent la volonté d’instaurer
un dialogue sur la valeur avec leurs propres clients, un
dialogue portant sur les services, les usages et les coûts.
C’est le chemin que nous voulons suivre, mais la maturité
n’est pas encore identique partout.
Par ailleurs, ces e昀昀orts sont accompagnés par la gouvernance mise en place au plus haut niveau de l’entreprise.
Tous les deux mois, une réunion est organisée avec le
cogérant du groupe et les responsables de domaines
fonctionnels et nous échangeons non seulement sur la
dépense en construction de nouvelles applications, mais
aussi sur les coûts que ces projets génèrent en infrastructures et en run. Ma responsabilité consiste à leur amener
des informations leur permettant de prendre conscience
des dé昀椀s auxquels nous faisons face, de l’augmentation
des volumes ainsi que des leviers d’optimisation que
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nous actionnons pour compenser cette croissance. Ce
qui me rend optimiste, c’est que la prise de conscience
progresse, par exemple du côté des équipes positionnées
sur la data qui voient leurs volumes croître très rapidement. Et la green IT joue un rôle très positif, car le niveau
des émissions carbone est très directement corrélé aux
dépenses.
Comment est abordée la question de la maîtrise
de la dette technique ?
PF : D’abord, le mode produit constitue une avancée
importante en la matière, car la question de l’usage et
de la valeur y est portée tant par les équipes applicatives que par celles des infrastructures. Ensuite, dans
les comités de gouvernance, on parle certes de budgets
de projets et de run, mais aussi de patrimoine. Avec des
indicateurs comme le nombre d’applications de chaque
domaine métier, leur âge moyen et leur taux d’obsolescence. Ces données proviennent de notre CMDB, qui
renferme une description 昀椀ne des composants. Notre
levier, c’est d’a昀케cher ces taux d’obsolescence, calculés
par nos architectes, pour instaurer un dialogue sur ce
sujet. Ce taux, qui peut monter à 40% ou 50%, en fonction
de la dé昀椀nition choisie (tout composant non supporté
par exemple), n’est pas un critère en tant que tel. Il faut
avant tout déterminer si cette obsolescence est grave ou
pas pour être en mesure de prioriser les chantiers et
de proposer une roadmap raisonnable. Par exemple, un
applicatif exposé sur Internet dans une DMZ ne peut pas
présenter une obsolescence grave, pour des raisons de
sécurité.
Chez la plupart des industriels,
les informaticiens sont aujourd’hui entrés
dans les usines et ateliers. Quels sont
la stratégie de Michelin en la matière
et le rôle des équipes d’infrastructures ?
PF : Tout est né, avant tout, d’une volonté des di昀昀érents
départements de travailler ensemble, à tous les niveaux.
Nous recevions ainsi des sollicitations des automaticiens
qui voulaient connecter leurs machines. Mais le vrai levier,
qui s’est concrétisé il y a une dizaine d’années, est de nouveau passé par la cybersécurité. Avec les attaques de type
Stuxnet, nous avons collectivement pris conscience que
les systèmes de production, raccordés à l’informatique,
étaient vulnérables. Ce constat a poussé les informaticiens et les automaticiens à faire chacun un pas vers
l’autre. Pour les premiers, il s’agissait tout d’abord de
comprendre les méthodes de travail en usine. Celles-ci
tournent en 24/7 et un problème informatique su昀케t à
mettre toute une chaîne à l’arrêt. Il nous fallait donc faire