LMi-MAG19 Sept - Flipbook - Page 8
ENTRETIEN
Pauline FLAMENT
CTO de Michelin
« NOUS AVONS ÉTÉ
RATTRAPÉS PAR LA RÉALITÉ
CLOUD FIRST »
La priorité donnée au cloud et l’arrivée des technologies IT dans les usines transforment
en profondeur la DSI de Michelin. Poussant les équipes infrastructures à se réinventer,
comme le raconte la chief technology officer du groupe, Pauline Flament.
Propos recueillis par Reynald Fléchaux
auline Flament, la chief technology
officer de Michelin, revient sur les
deux grands virages technologiques
récents de la DSI de l’industriel réalisant près de 29 milliards d’euros (Md€)
de chiffre d’affaires : le cloud et le
smart manufacturing, qui amènent l’IT
à l’intérieur des quelques 80 usines du
groupe. Des mutations qu’il a fallu accompagner tant en
matière de compétences que d’évolution des pratiques et
de l’outillage. Conduisant à ce que la CTO décrit comme
« une transformation profonde des métiers de l’infrastructure » et à « leur réinvention autour d’un certain
nombre de nouveaux principes ». Une réinvention qui vise
également à se projeter sur un nouveau champ : les usines
du groupe. Hier, souvent totalement autonomes sur un
plan informatique, elles sont de plus en plus connectées
à des systèmes mutualisés. Une fusion IT/OT que Michelin
encadre via des programmes de convergence, le premier
d’entre eux, centrés sur les couches d’infrastructures,
venant tout juste de s’achever. L’objectif désormais est
de déployer un modèle homogène de serveurs dans les
usines, associé à des capacités cloud.
P
Michelin a lancé une stratégie cloud first.
Où en êtes-vous aujourd'hui sur le terrain
de la migration vers les environnements cloud ?
Pauline Flament : Comme beaucoup d’entreprises,
nous avons déployé une stratégie cloud 昀椀rst qu’il faut voir
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avant tout comme un motto à destination des équipes
internes, a昀椀n de les inciter à changer leurs façons de
travailler. Aller dans le cloud suppose de transformer le
design des applicatifs, mais aussi les façons de travailler
des développeurs, notamment au sein de la chaîne CI/CD.
Il fallait donc afficher une stratégie cloud first pour
amorcer ce mouvement. C’est ce que nous avons fait il
y a cinq ou six ans. Nous étions alors plutôt en avance
sur le marché. Aujourd’hui, nous nous inscrivons plutôt
dans la moyenne, avec 30% à 40% de notre parc applicatif
dans le cloud.
Aujourd’hui, le motto est devenu : « cloud 昀椀rst but not
only », car nous avons été rattrapés par la réalité. En travaillant principalement avec des hyperscalers, nous avons
fait face à des questions juridiques, comme celles liées
au RGPD, mais aussi géopolitiques. Nous ne pouvons pas
héberger toutes nos données et tous nos processus chez
ces acteurs. Dans certains pays, un tel choix soulèverait
trop de contraintes ou ne serait pas pérenne. La politique
cloud 昀椀rst nous a ainsi poussés à nous reposer la question
des données, processus et algorithmes les plus con昀椀dentiels et du niveau de con昀椀ance qu’on peut accorder à un
partenaire.
Et il ne faut pas négliger les contraintes propres à certaines applications. Quand on veut aller vers le temps
réel ou vers le traitement de grands volumes de données, le cloud n’est plus adapté. Il ne faut pas perdre de
vue que Michelin possède une empreinte industrielle