LMi-MAG21 avril - Flipbook - Page 9
© Thomas Léaud
industrie, 90% des projets thérapeutiques se soldent par
des échecs. Nous explorons donc le rôle que pourraient
avoir la data et l’IA dans l’amélioration de ce taux, en améliorant la compréhension d’une pathologie, en aidant à
mieux identi昀椀er les cibles thérapeutiques – la protéine ou
le gêne qu’il faut essayer d’inactiver - et en simpli昀椀ant le
design des meilleurs candidats médicaments. Nous avons,
par exemple, développé des plateformes d’IA, embarquant
des graphes de connaissances, pour e昀昀ectuer des corrélations entre des maladies, des protéines et des gênes,
a昀椀n d’identi昀椀er ces cibles thérapeutiques. D’autre part, le
numérique nous permet de créer de nouveaux produits
et services pour les patients et professionnels de santé
notamment sur l’adhésion thérapeutique des patients à
leur traitement. En昀椀n, comme dans d’autres industries,
c’est un levier d’amélioration de l’e昀케cacité de la production et de la chaîne logistique, ainsi que de leur durabilité.
Pourquoi le sujet de l’efficacité de la R&D
est-il stratégique pour Servier ?
VD : Dans l’industrie, l’investissement nécessaire au
développement d’un nouveau médicament est actuellement d’environ 2 Md€. Tout ce qui concourt à augmenter la probabilité de succès des recherches, mais aussi
à réduire le temps nécessaire pour mettre sur le marché une nouvelle molécule joue donc un rôle majeur.
Aujourd’hui, mettre sur le marché un nouveau médicament demande entre dix et quinze ans si on tient compte
de l’ensemble du cycle, depuis les premières phases de
recherche jusqu’à la commercialisation/mise à disposition du médicament pour les patients ; chaque mois
gagné, chaque année gagnée devient donc un enjeu
majeur pour nous et pour les patients qui attendent un
traitement. Nous avons lancé plusieurs initiatives visant
cet objectif. Par exemple, sur le dépôt réglementaire,
préalable à toute mise sur le marché, nous menons un
projet de refonte de nos systèmes pour diviser par deux
la durée nécessaire à cette étape, qui demande actuellement en moyenne neuf mois pour chaque pays où nous
souhaitons commercialiser un médicament. Sur les
essais cliniques, nous avons lancé des initiatives autour
de la data, pour repérer plus rapidement les patients
potentiels, les centres de recherche investissant sur le
sujet concerné et analyser plus rapidement les résultats. Sur Google Cloud Platform (GCP), nous avons ainsi
développé pour nos chercheurs une plateforme analytique baptisée Axe (Advanced Analytics Environment),
qui permet de ramener de deux ou trois semaines à une
demi-journée la durée moyenne de traitement de certaines études sur les essais cliniques, tout en augmentant les volumes de données traitées et les capacités de
calcul à disposition. Trois cents chercheurs exploitent
cet outil chaque mois.
« Avec l’IA générative, nous avons un prototype en cours aux Etats-Unis,
a昀椀n d’accélérer la rédaction de dossiers réglementaires, chacun d’entre
eux comportant des centaines, voire des milliers de pages », Virginie
Dominguez, vice-présidente exécutive IT, data et digital de Servier.
Quel sont aujourd’hui les résultats de ce recours
croissant à l’IA dans la R&D ?
VD : Rappelez-vous qu’il faut entre dix et quinze ans pour
mettre sur le marché un nouveau médicament. Le succès
des outils digitaux déployés il y a trois ans ne sera donc
pleinement établi que dans sept ans, au mieux. Entretemps, on ne peut que mesurer des étapes intermédiaires,
soit les phases de design, de conception, de tests et d’analyse du cycle DMTA (Design, Make, Test, Analyze). Une fois
la cible thérapeutique choisie, la première étape consiste
à designer une molécule qui pourrait venir l’inactiver, du
fait de sa forme et des interactions moléculaires. Nous
avons conçu un algorithme de machine learning pour
proposer de nouvelles molécules répondant à ces critères.
Ce même algorithme e昀昀ectue également de la prédiction
de propriétés, notamment de toxicité, par l’ingestion des
bases de données publiques sur la chimie. Ceci permet
d’accélérer les phases de conception et de tests, en éliminant d’emblée les molécules ayant potentiellement des
propriétés gênantes. Nous sommes en train d’essayer
d’améliorer cet outil, appelé Drug Design Engine, par
l’introduction de l’IA générative sur le volet proposition
de nouvelles molécules. Sur les prédictions de propriétés, nous préférons nous en tenir à des modèles déterministes.
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DE L’ENTRETIEN
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