MOCI NOVEMBRE 2021-n°2089 - Magazine - Page 43
Selon le baromètre export
Euler Hermes 2021, paru en mai,
la demande additionnelle totale
adressée aux exportateurs français
devrait atteindre 59 milliards
d’euros en 2021. Quels marchés
seront les plus dynamiques ?
S. O. Elle sera même de 62 milliards d’euros
selon nos dernières estimations. Cela ne signifie pas que la crise est derrière nous, mais qu’il
y a des opportunités à saisir, en particulier sur
les marchés traditionnels des exportateurs
français : en Allemagne (+7,6 milliards d’euros)
et aux États-Unis (+6,9 milliards), mais aussi
en Belgique (+4,7 milliards), en Espagne (+4,6
milliards), au Royaume-Uni (+4,4 milliards) et en
Italie (+4 milliards).
Aux États-Unis, les mesures de soutien à l’économie et au pouvoir d’achat sont une bonne
nouvelle pour les exportateurs de l’agroalimentaire, des vins et spiritueux, des matériels
de transport et d’appareils électroniques.
Quant au Royaume-Uni, le Brexit a provoqué
un renforcement des barrières douanières : y
exporter coûte désormais plus cher.
Les entreprises françaises
sont-elles en capacité de répondre
à cette demande ?
S. O. Nous sommes à un moment où la reprise
de la demande est forte, mais elle est entravée
par les perturbations des chaînes de valeur,
la hausse des prix des matières premières
et de l’énergie, l’allongement des délais de
livraison et les pénuries de main-d’œuvre. En
Allemagne, certaines entreprises industrielles
sont à l’arrêt pour ne pas produire à perte.
Puis, il existe des signaux qui montrent que les
pénuries d’intrants se prolongeront au moins
jusqu’à mi-2022. En parallèle, les prétentions salariales augmentent. Les entreprises
devront donc bien gérer leur marge pour tirer
leur épingle du jeu.
Qu’est-ce qui a changé dans leur
façon d’appréhender l’export ?
S. O. Leur approche du risque a évolué : elles
cherchent à ne pas mettre leurs œufs dans le
même panier en évitant une trop forte dépenwww.lemoci.com
dance à un seul marché ou un seul fournisseur,
quitte à payer un peu plus cher. Elles ont également pris conscience de la nécessité de partir à la conquête de marchés plus dynamiques.
En Chine, par exemple, au premier semestre
2021, la part des marques automobiles allemandes dans le total des ventes automobiles
chinoises était d’environ 23 %, contre seulement 0,4 % pour les marques automobiles
françaises.
Quels sont les principaux défis
qu’elles vont avoir à relever ?
S. O. Elles doivent mettre l’accent sur la digitalisation, que la crise a accélérée, et sur les
besoins induits par la transition vers une
économie à bas carbone. Les entreprises les
plus polluantes vont voir des changements
de réglementation entraînant des coûts additionnels. Elles vont devoir bouger pour éviter
que leur capital ne devienne obsolète, comme
leurs brevets par exemple. Par ailleurs, sans
une politique d’accompagnement des industries polluantes pendant la phase de transition, les entreprises se trouveront exposées à
des coûts supplémentaires conséquents.
La crise a profondément remis
en question la délocalisation
de la production en Asie.
Va-t-on assister à une vague
de relocalisation ?
S. O. Cela dépend beaucoup des secteurs. Le
Made in France marche très bien dans l’agroalimentaire alors qu’il n’a pas de sens pour les
secteurs manufacturiers traditionnels tels que
le matériel informatique : les produits seraient
trop chers pour le consommateur et celui-ci
perdrait en pouvoir d’achat.
En revanche, il est possible de capitaliser sur
des secteurs de niches. Exemple avec l’actuelle pénurie de semi-conducteurs qui a de
lourdes conséquences dans l’automobile. Produire des puces intelligentes (micro-contrôleurs) en France aurait du sens. Au-delà
d’éventuelles relocalisations de la production
sur le territoire national, une régionalisation
peut être pertinente. Nous avons par exemple
tout à gagner à développer une filière hydrogène au niveau européen.
LE MOCI N° 2089 - novembre 2021
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