MOCI SEPTEMBRE 2021-n°2086-2087 - Magazine - Page 15
postes et plus tard étudier dans ma recherche
de thèse, dont les modèles sont encore très
rigides et linéaires.
Ça a été une opportunité pour certains,
du moins je l’espère, et la fonction RH est en
train de devenir une fonction phare. La crise a
replacé l’humain au centre et la fonction a dû
se mettre au niveau de décisions stratégiques.
Elle a aussi souligné les failles des modèles de
suivi de la gestion de la mobilité internationale.
Les services RH ont dû réaliser qu’il y avait
dans les filiales des personnes très importantes sur le plan stratégique qui n’avaient pas
de contrats typiques d’expatriés par exemple,
mais qu’il fallait garder. Ce qui va changer, c’est
cette dimension stratégique et ce n’est pas
encore le cas aujourd’hui.
« La crise a replacé
l'humain au centre »
Observe-t-on des différences entre
les grandes entreprises et les PME
ou ETI ?
M.B. D’après les premières études que j’ai lues,
il y a eu très peu de retours ou de mouvements
de cadres, en particulier chez ceux qu’on
appelle les cadres corporate, qui ont le statut
d’expatrié. Je ne pense pas que la taille de l’entreprise fasse une différence.
La vraie différence va être liée au modèle,
qui était plus ou moins résilient, et à la capacité
d’ouvrir les suivis, à monitorer beaucoup plus.
Il s’agit plus d’une question de mentalité, d’une
volonté de l’entreprise, et non de taille. Il faut
faire une sorte de scanner de tous les cadres
expatriés, toutes les personnes en mobilité
internationale. Se demander qui on a et où.
Qui est important et pourquoi ? Qui fait quoi et
sous quel contrat ? Cela peut être un Brésilien
impatrié dans une filiale américaine, tchèque
ou russe, qui n’est pas forcément dans les
« radars ».
C’est énorme pour une entreprise qui est
figée dans des contrats types et gestion sclérosée. Il faut remettre tout à plat et refaire tous
les modèles de suivi, revenir à la fonction préwww.lemoci.com
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cise et à l’intérêt pour le business, qui est en
train de repartir. Nous assistons à une reprise
de l’activité et les RH doivent se préparer à
redéployer des employés à l’étranger.
En attendant, certains dirigeants
d’entreprises découvrent
parfois qu’un de leurs employés
télétravaille depuis l’autre
bout du monde… Comment
les entreprises réagissent face
à ce phénomène ?
M.B. Encore une fois, c’est une question de
stratégie. Il est quand même assez étonnant
que des services de ressources humaines ne
soient pas au courant. Le suivi efficace de la
mobilité était déjà essentiel, il l’est encore plus
avec la crise.
Chaque cadre doit être régulièrement monitoré de manière précise : sa personne, sa fonction et ce qu’elle délivre. Il doit être appelé souvent pour voir comment ça va, où il se trouve…
C’est en particulier aux services RH locaux de
regarder toutes ces possibilités, on en revient
à un suivi très précis, on en revient à une fonction, une fonction stratégique. Ce faisant, les
services RH évaluent aussi le réseau des gens
en poste à l’étranger ainsi que leurs connaissances tacites, et cela est primordial.
À cet égard, on est en train de mettre en
place des process beaucoup plus souples, ce
qui manquait auparavant. Sur le télétravail à
l’étranger, il y a effectivement un vide juridique.
Aux Pays-Bas, où je vis, le ministère du Travail
envoie aux entreprises les recommandations
légales. Quand ce n’est pas le cas, c’est aux
RH de vérifier les lois locales, de voir comment
il est possible de télétravailler dans tel ou tel
pays en accord avec le P-dg ou le directeur
général, et avec le décideur opérationnel. C’est
là où la fonction joue un vrai rôle stratégique.
Elle doit faire corps et peut-être commencer
à réinventer plus vite que prévu ses outils de
suivi et de mesure. Qu’un cadre télétravaille
depuis un endroit où il n’est pas censé être ne
signifie pas nécessairement qu’il est moins
performant, il est peut-être même plus productif. Pour le savoir, il faut les bons outils d’évaluation. Pour moi, la grande tendance c’est effectivement cette notion de work from anywhere
[ndlr « travailler depuis n’importe où »].
LE MOCI N° 2086-2087 - septembre 2021
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