MOCI SEPTEMBRE 2021-n°2086-2087 - Magazine - Page 17
qui prend beaucoup de temps et ne peut pas
être confié à une personne qui ne vient pas
du siège. Les outils de suivi des RH ne s’intéressent pas à ces critères difficilement mesurables comme la montée en compétence de
la filiale, le réseau professionnel de l’expatrié
ou l’amélioration des enquêtes clients. Dans
d’autres cas, un expatrié est nécessaire, pour
lancer une filiale par exemple, quitte à passer à
un contrat local plus tard. Il ne faut pas s’arrêter
au contrat, c’est bien l’erreur que font un peu
certaines personnes de la mobilité internationale.
Cela signifie-t-il que l’on va assister
à un changement des recrutements
dans les services de ressources
humaines ?
M.B. Je ne vais pas me faire d’amis mais j’espère que certaines personnes vont prendre la
dimension stratégique qu’elles ont. Beaucoup
« n’osent pas » être en amont des décisions, il
est vrai, par manque d’indicateurs de suivi. Ce
sont en général des gens qui ne connaissent
pas bien l’opérationnel, qui n’ont pas été directeur marketing ou directeur de la qualité ou
autre.
J’espère que les recrutements vont changer
et aller vers des gens qui ont la fibre business
et qui viennent de l’opérationnel. Leur rôle est
d’apporter des outils pour que le business
continue. On est là pour que l’entreprise performe tout en respectant le bien-être des
employés. Les RH sont le service qui a le plus
d’informations sur le cadre et c’est souvent
d’abord vers eux qu’un cadre à l’étranger va se
tourner.
Vous parliez du retour à l’humain
avec la crise. Comment concilier
le travail à distance et ce besoin
de voir les gens « en vrai » ?
M.B. La vraie question est où « placer le curseur ? » Je pense que le work from anywhere
sera un modèle hybride, au moins dans certaines fonctions, et que le curseur devrait être
mis là où la personne sera la plus productive. On
va aussi certainement se rendre compte que
certaines personnes ne sont pas à la bonne
place. Il va falloir se réadapter, apprendre de
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nouvelles façons de travailler, d’autant plus
qu’une nouvelle génération arrive, très à l’aise
avec le digital.
À ce sujet, on pourrait penser qu’elle est la
plus apte à travailler à distance, mais étonnamment, des études montrent que ce sont les
jeunes qui éprouvent le plus le besoin de voir
leurs collègues. Pour le reste, on va revoir ses
contacts, on va retourner sur les salons, mais
ce sera d’une façon plus efficace je pense, je
ne suis pas inquiète là-dessus. Nous sommes
dans une période de transition et les entreprises travaillent en ce moment d’arrache-pied
pour donner un cadre au « work from anywhere »
à leurs employés en septembre. En tout cas, il
va falloir s’adapter très vite.
Selon vous, comment vont évoluer
les critères de recrutement
des expatriés ?
M.B. Il faut faire encore plus attention à une
des compétences qui pour moi est la principale, et c’est ce que ma recherche a fait ressortir : la capacité de la personne à apprendre
de ses expériences et à repartir de zéro. Au
niveau international, c’est la capacité de donner du sens à tout ce qui lui arrive à l’international, de ne pas rester centré sur une seule
façon de penser. En dehors des compétences
techniques liées au poste, je m’attacherais à
faire en sorte que la personne que j’envoie à
l’international soit capable de mettre en place
des stratégies qui ne seront pas forcément les
plus immédiates, celles qui lui font plaisir, mais
qui sont efficaces avec un partenaire suédois
ou chinois. Il faudra peut-être six mois de plus
pour développer un projet mais elle aura testé
et appris des choses. Qu’il s’agisse des expatriés, mais aussi des directeurs export, il faut
des gens qui soient très résilients et capables
d’apprendre efficacement, de se réinventer et
d’avancer. g
Expatriés, directeurs export,
« il faut des gens qui soient
très résilients »
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